ARCHIVÉ - L’avenir énergétique du Canada - Scénario de référence et scénarios prospectifs jusqu’à 2030 - Évaluation du marché de l’énergie
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Chapitre 2 : Contexte énergétique
Ce chapitre fournit des renseignements généraux sur des questions essentielles jouant actuellement un rôle dans la filière énergétique canadienne. Il traite notamment des prix de l’énergie, des facteurs mondiaux, des politiques énergétiques et environnementales, de la façon dont la demande réagit, des technologies émergentes, des infrastructures, de la place de l’énergie dans l’économie canadienne, des exportations et des réserves.
Prix de l’énergie
Récemment, les prix élevés de l’énergie sont le résultat d’une croissance exceptionnelle de la demande dans les pays en développement, d’une pénurie de matériaux, de matériel, de main-d’oeuvre et de services techniques, ainsi que de tensions géopolitiques.
Les prix du pétrole brut augmentent depuis janvier 1999, alors que le prix moyen du baril de WTI se situait autour de 12 $US. Moins de dix ans plus tard, le pétrole brut s’est transigé à plus de 80 $US le baril, sous l’effet conjugué d’un niveau record de la demande d’essence, d’une instabilité dans le secteur du raffinage, ainsi que d’un équilibre précaire entre l’offre et la demande. Une faible capacité de production de réserve et des inquiétudes de nature géopolitique dans les grands pays producteurs que sont l’Irak, l’Iran, le Nigeria et l’Arabie saoudite ont accentué la pression vers le haut exercée sur les prix du pétrole brut.
Les prix du gaz naturel en Amérique du Nord ont eu tendance à augmenter sous la poussée de la montée en flèche des prix du pétrole brut sur la scène mondiale et d’un équilibre précaire entre l’offre et la demande gazières. Le prix du gaz naturel au carrefour Henry est passé de quelque 2,25 $US/GJ (2,35 $US/MBTU) en janvier 2000 à environ 6,65 $US/GJ (7,00 $US/MBTU) en 2007. En outre, les perturbations des approvisionnements attribuables au passage d’ouragans ont occasionné des hausses subites des prix, qui ont ainsi pu atteindre, pendant une brève période, 13,30 $US/GJ (14,00 $US/MBTU), mais la série récente d’hivers doux a aidé à faire contrepoids à des prix qui auraient pu atteindre des niveaux encore plus élevés. À l’exception de courtes périodes pendant lesquelles les marchés gaziers sont particulièrement déséquilibrés (comme après des perturbations des approvisionnements attribuables au passage d’ouragans, pendant des périodes de températures extrêmes ou à l’approche de l’atteinte des limites supérieure ou inférieure de la capacité de stockage), les prix du gaz naturel ont tendance à évoluer dans le même sens que ceux du pétrole. C’est ainsi qu’en général, les prix du gaz se situeront dans la moitié inférieure de la fourchette délimitée, en termes d’équivalent énergétique, par le mazout résiduel, dans le bas, et par le distillat (mazout no 2) dans le haut. Ces types de mazout constituent des solutions de remplacement au gaz naturel, surtout pour la production d’électricité et le chauffage.
Par le passé, compte tenu de réserves massives de charbon, non seulement en Amérique du Nord mais partout dans le monde, les prix de la houille augmentaient à des taux très modestes variant entre 1 % et 2 % par année. Cependant, depuis 2003, la tendance a changé du tout au tout et les prix du charbon augmentent d’au moins 10 % par année. Cette évolution de la situation coïncide avec le fait que la Chine, un des principaux producteurs de charbon, en est devenue un importateur net plutôt qu’un exportateur net du fait de la croissance de la demande intérieure dans ce pays. En 2006, la croissance de la consommation mondiale de charbon était attribuable à 70 % à la Chine.
Les prix de l’électricité en Amérique du Nord ont eu tendance eux aussi à augmenter sous l’influence de la hausse des coûts des combustibles comme le charbon, le pétrole, l’uranium ou le gaz naturel, des frais associés au respect de normes plus strictes sur les émissions, et des dépenses engagées en vue de l’amélioration du réseau de transport afin d’en accroître le degré de fiabilité. Les prix de l’électricité peuvent varier selon la région en fonction de la part occupée par les différents combustibles servant à sa production, des marges de réserve et de la croissance de la charge.
Contexte mondial
Ces dernières années, c’est aux pays en développement, en particulier à la Chine et à l’Inde, qu’est attribuable la croissance mondiale de la demande d’énergie. Pendant ce temps, l’offre a eu de la difficulté à maintenir le rythme. Les régions productrices de pétrole et de gaz classiques arrivent à maturité, et pour maintenir leur production ou à tout le moins en ralentir le déclin, une plus grande activité est requise et il faut avoir davantage recours à des interventions technologiques.
Le pétrole et le gaz sont produits et consommés dans des parties différentes du monde (figure 2.1). Pour la plus grande partie, les ressources énergétiques sont concentrées dans des régions politiquement instables. Les tensions géopolitiques, le nationalisme économique et politique, au même titre que l’opposition locale à des projets de mise en valeur, sont autant d’éléments qui ont limité l’accès à de nouvelles ressources dans des régions clés un peu partout dans le monde. Cette réalité géopolitique se traduit par des préoccupations au chapitre de la sécurité de l’approvisionnement pour les pays consommateurs.
Figure 2.1
Production et consommation de pétrole et gaz dans le monde selon la région, 2006
Source : BP Statistical Review of World Energy, 2007
En 2006, 10,8 milliards de tonnes (79,7 milliards de barils) d’équivalent énergétique du pétrole ont été consommés dans le monde, une masse répartie de la façon suivante : 36 % de pétrole, 24 % de gaz naturel, 28 % de charbon, 6 % de nucléaire et 6 % d’énergie hydroélectrique (figure 2.2).
Figure 2.2
Consommation mondiale d’énergie primaire selon le combustible, 2006
Source : BP Statistical Review of World Energy, 2007
Pétrole
Le plus grand producteur actuel de pétrole dans le monde est l’Arabie saoudite avec 1,7 Mm³/j (10,8 Mb/j). Les É.-U. arrivent au troisième rang et le Canada en septième place. Il est prévu qu’à peine 15 pays[11] compteront pour une part pouvant atteindre 84 % de la croissance nette de la capacité mondiale de production de pétrole au cours des dix prochaines années. Par ordre de croissance absolue de capacité, les cinq premiers pays de cette liste sont la Russie, l’Arabie saoudite, le Canada, l’Irak et le Brésil. Sur la scène mondiale, ce sont les É.-U. qui représentent, et de loin, le plus important marché pour le pétrole, comptant pour presque 25 % de la demande totale (3,27 Mm³/j ou 20,6 Mb/j). Le Canada ne compte que pour 2,5 % de la demande mondiale totale de pétrole (353 milliers m³/j ou 2,2 Mb/j).
[11] Ces 15 pays sont la Russie, l’Arabie saoudite, le Canada, l’Irak, le Brésil, le Kazakhstan, l’Iran, le Koweït, l’Algérie, le Qatar, la Libye, le Nigeria, les Émirats arabes unis, l’Angola et l’Azerbaïdjan.
Gaz
C’est en Russie, en Iran et au Qatar que se trouvent presque 60 % des réserves mondiales de gaz naturel. En 2006, la Russie était encore une fois le plus important producteur de gaz naturel avec 1,67 Mm³/j (59,2 Gpi³/j) représentant 21 % de la production mondiale totale. Viennent ensuite les É.-U., dont la plus grande partie de la production est consommée directement au pays. Le Canada arrive troisième et produit plus de 6 % du gaz dans le monde, mais il semble que sa production future ne progressera pas et pourrait même régresser. L’Asie constitue le plus gros marché régional pour le GNL et accueille 64 % des importations mondiales totales à cet égard, le Japon arrivant largement en tête des pays importateurs.
Charbon
À l’inverse des réserves de pétrole et de gaz, celles de charbon sont réparties à une vaste échelle dans le monde. En outre, le charbon est abondamment disponible. À l’échelle mondiale, le rapport entre les réserves et la production de charbon est d’une durée estimative de 147 ans, alors que pour le pétrole et le gaz naturel, cette durée est respectivement de 40,5 ans et de 63,3 ans. Le charbon est le combustible dont la croissance est la plus rapide dans le monde, tant en termes de consommation que de production. Ce combustible est, pour la majeure partie, produit et consommé en Chine. Le Canada ne compte que pour 1 % de l’offre et de la demande mondiales de charbon.
En 2006, cinq pays, soit les É.-U., la Chine, la Russie, le Japon et l’Inde, représentaient plus de 50 % de la demande d’énergie primaire dans le monde[12]. La part du Canada s’établit autour de 3 %. Entre 2000 et 2006, la part collective de la Chine et de l’Inde a augmenté de presque 6 % alors que les autres pays connaissaient une faible régression à ce chapitre. Nombre de pays développés cherchent à comprimer le taux d’accroissement de la demande d’énergie. Toutefois, la consommation des pays en développement comme la Chine s’accroît afin de répondre aux besoins d’économies en rapide expansion.
[12] BP Statistical Review of World Energy, 2007. Les É.-U., la Chine, la Russie, le Japon et l’Inde représentent 52,1 % de la demande d’énergie primaire dans le monde.
Évolution de la politique énergétique et de la politique environnementale
En matière de politique énergétique et de politique environnementale, les responsabilités au Canada sont partagées entre les gouvernements fédéral et provinciaux. L’activité n’aura jamais été aussi intense que récemment dans ce domaine. Les provinces ont réagi à l’importance croissante des questions énergétiques en produisant des stratégies et des directives d’orientation en la matière. Au début de 2007, la Colombie-Britannique a rendu public un document intitulé A Vision for Clean Energy Leadership qui se concentre sur les questions d’efficacité énergétique, d’autosuffisance en électricité, d’émissions nettes nulles pour ce qui est de la production thermique, de normes relatives au portefeuille de sources d’énergie renouvelable et de combustibles de remplacement. En Alberta, la loi intitulée Climate Change and Emissions Management Amendment Act et un document de stratégie bioénergétique en neuf points portent principalement sur la réduction de l’intensité des émissions des grands émetteurs finaux et l’expansion de l’industrie de la bioénergie. La politique ontarienne récemment rendue publique en avril 2007 porte surtout sur l’efficacité énergétique et les changements dans le secteur de l’électricité. Plusieurs autres directives d’orientation ont été annoncées précédemment, notamment sur la conservation, les projets de production d’énergie de remplacement à petite échelle, la facturation nette et le financement des infrastructures. Toutes visent à faire la promotion d’une consommation efficace de l’énergie tout en réduisant les émissions. Les éléments clés de la stratégie énergétique québécoise mise de l’avant en 2006 comprennent la mise en valeur accélérée des ressources hydroélectriques et de l’énergie éolienne, l’efficacité énergétique sous toutes ses formes et pour toutes les utilisations, ainsi que l’innovation. En Nouvelle-Écosse, plusieurs directives d’orientation ont également été produites et elles visent les sources d’énergie de remplacement, notamment l’énergie marémotrice, ainsi que les modes de transport hybrides, l’efficacité énergétique et la réduction des émissions de GES.
Entre 1990 et 2004, les émissions de GES au Canada ont augmenté de 26 %. Cette augmentation est le résultat d’un certain nombre de facteurs, dont l’accroissement démographique et la croissance économique. La consommation accrue de combustibles et la hausse des émissions sont en grande partie imputables à la progression des secteurs énergivores de l’économie comme celui de la production pétrolière. Au-delà des directives d’orientation en matière d’énergie, plusieurs plans d’action sur les changements climatiques[13] ont été rendus publics par des provinces, dont la Colombie-Britannique, l’Alberta, le Manitoba, le Québec, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi que par les Territoires du Nord-Ouest.
[13] Les changements climatiques sont des modifications des régimes climatiques à long terme, notamment au chapitre des températures et des précipitations. Des représentants du milieu scientifique de partout dans le monde s’entendent pour dire que les changements climatiques sont attribuables à l’activité humaine, notamment au recours à des combustibles fossiles, qui émettent des GES dans l’atmosphère. Pour un complément d’information : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
Les Canadiens commencent à se reconnaître une certaine responsabilité individuelle pour ce qui est de la prise de mesures de protection de l’environnement[14]. De ce sentiment émanent des politiques et des programmes plus rigoureux. Même si elles ne sont pas encore en vigueur, un certain nombre de politiques récemment annoncées par le gouvernement fédéral exigeront des réductions des émissions de la part du secteur industriel. Le plan de 2007 du gouvernement fédéral intitulé Prendre le virage – Un plan d’action pour réduire les gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique cible, en termes absolus, des réductions des émissions de GES de 20 %, d’ici 2020, par rapport à leur niveau de 2006. Parallèlement, le plan vise une réduction de moitié de la pollution atmosphérique industrielle d’ici 2015[15].
[14] Par exemple, dans un sondage effectué en septembre 2006 par le Centre de recherche Décima et portant sur l’état d’esprit des Canadiens, 91 % des répondants ont dit être d’accord avec l’énoncé suivant : « J’ai une responsabilité morale d’améliorer l’environnement pour les générations futures. » Anderson, Bruce. Decima Insights, 12 janvier 2007.
[15] Les polluants atmosphériques comprennent les oxydes d’azote (NOx), les oxydes de soufre (SOx), les composés organiques volatils (COV) et les matières particulaires (MP). Le benzène et le mercure, notamment, peuvent aussi être inclus dans ce groupe. La pollution atmosphérique a des effets sur la santé et aussi sur l’environnement, par exemple sous forme de smog ou de pluies acides.
Les politiques élaborées, tant d’ordre provincial que fédéral, constituent des étapes importantes sur la voie de l’atteinte, par le Canada, de ses objectifs en matière d’énergie et d’environnement. Il s’agit pour l’instant de « travaux inachevés ». Les provinces ne sont pas toutes sur un pied d’égalité lorsqu’il s’agit d’élaboration de politiques, et tous les secteurs ne sont pas visés dans la même mesure pour ce qui est des améliorations en matière de consommation d’énergie et des réductions des émissions de GES. Afin de pouvoir profiter d’un large soutien, les politiques et programmes devront maintenir un équilibre entre les objectifs économiques, environnementaux et énergétiques visés.
Réaction de la demande[16]
Intuitivement, il semble que des prix élevés de l’énergie devraient mener à une diminution de la demande. Cependant, la réaction de la demande en matière de consommation d’énergie est relativement rigide, en particulier à court terme, ce qui alimente les discussions, surtout dans le contexte de prix de l’énergie élevés. Les discussions ont été plus fréquentes au sujet de la réaction des consommateurs face à des prix plus élevés dans le contexte de réductions de la demande globale. Les habitudes de consommation d’énergie dépendent dans une grande mesure de la composition des stocks existants de dispositifs consommant cette énergie. Puisque ces stocks ont une longue durée de vie, les possibilités de réduction de la demande sont limitées. En outre, avec l’accroissement de leurs revenus, les consommateurs se procurent davantage de biens et de services consommant de l’énergie, ce qui contribue à la croissance de la demande. En général, c’est ce qui ressort des données d’ensemble sur la demande disponibles à ce jour.
[16] Aux fins des présentes, par réaction de la demande il faut entendre, dans le contexte des forces du marché, la relation qui existe entre les prix de l’énergie, le revenu et la consommation énergétique, ce qui diffère de la réaction de la demande d’électricité, laquelle se rapporte à des réductions intermittentes, négociées ou volontaires, de la consommation d’électricité.
Malgré une absence inhérente de souplesse et un effet revenu qui contribue à la croissance de la demande d’énergie, certaines indications laissent croire que les consommateurs réagissent aux prix élevés. Sur le plan qualitatif, d’après certains faits récents, il semble que les Canadiens réagissent aux coûts plus élevés de l’énergie en modifiant leur style de vie et leurs habitudes de consommation. Même si le volume total d’essence vendue au Canada continue d’augmenter, les tendances qui se dégagent en ce qui concerne l’achat de véhicules semblent subir l’influence des prix élevés et volatils. En fait, pour la première fois en 2006, plus de la moitié des acheteurs d’automobile ont choisi un petit véhicule efficace sur le plan énergétique[17]. Toutefois, cette tendance mettra des années avant d’avoir des répercussions appréciables sur la demande compte tenu du taux de renouvellement du parc automobile. Par ailleurs, les améliorations au chapitre de l’efficacité énergétique ne se traduisent pas nécessairement en réductions directes de la demande d’énergie puisque la diminution des frais d’exploitation associés à l’économie de carburant pourrait mener à une hausse des voitures-kilomètres parcourus (VKP).
[17] Van Praet, Nicolas. « Smaller cars a bigger draw as drivers seek greater fuel economy » (les conducteurs qui cherchent à réaliser des économies d’essence se tournent vers les petites voitures), National Post, 1er mars 2007.
Il existe également un grand nombre d’investissements à faible coût desquels pourraient émaner des économies d’envergure à l’intérieur de la filière énergétique existante et qui pourraient manifester leur présence ultérieurement. Les propriétaires cherchent des moyens de réduire leurs coûts énergétiques. Un sondage récent révèle qu’en 2006, 9 acheteurs de résidence sur 10 à Toronto et à Ottawa cherchaient une maison leur permettant d’accroître l’efficacité énergétique[18]. Dans la même optique, les programmes proposés par Ressources naturelles Canada (RNCan) et portant sur l’efficacité énergétique dans les secteurs industriel, commercial et résidentiel suscitent un intérêt de plus en plus grand.
[18] Energy Evolution. « Builders say energy efficiency targets will affect affordability » (les constructeurs affirment que les cibles visant l’efficacité énergétique auront un impact sur l’abordabilité), 25 septembre 2006.
À plus long terme, les consommateurs pourront réagir d’un plus grand nombre de manières en présence d’augmentations des prix de l’énergie, de l’imposition de nouveaux programmes gouvernementaux ou de la modification des valeurs sociétales car les stocks en place peuvent être remplacés au moyen de matériel moins énergivore et les comportements peuvent être façonnés de manière à réduire la demande.
Technologies nouvelles ou émergentes
La technologie est perçue comme une composante importante de la solution aux enjeux environnementaux et à la problématique de l’approvisionnement en énergie. Les dernières décennies ont connu des progrès technologiques rapides et il est peu probable que la vapeur se renverse. Du côté de l’offre, ces progrès visent à permettre de maintenir les niveaux actuels de production classique, d’avoir accès à des ressources non classiques, et de développer des sources d’énergie de remplacement. Pour ce qui est de la demande, des technologies qui cherchent à accroître l’efficacité énergétique sont en cours d’élaboration. Il importe surtout de cerner les technologies à privilégier, l’ampleur du soutien à leur accorder et les buts ultimes à viser.
À bien des égards, le Canada est un grand novateur en matière d’énergie. L’extraction de pétrole et de gaz non classiques, les réacteurs canadiens à deutérium-uranium (CANDU) avancés (RCA), les combustibles de remplacement, la recherche sur les piles à combustible et la conception d’immeubles spécialement adaptés aux climats nordiques sont autant d’exemples de l’innovation canadienne. Voilà plus de 30 ans, des stratégies inédites d’investissements réunissant les secteurs public et privé ont mené à la création d’installations de recherches sur les sables bitumineux et à l’exploitation des gisements de ces sables. Les possibilités pour les 30 années à venir comprennent le déploiement à grande échelle de production d’énergie nucléaire, l’épuration du charbon, la gazéification des sables bitumineux avec CCS, des combustibles de remplacement à base biologique, des technologies de transport de pointe et de fortes améliorations de l’efficacité énergétique. Même si le présent rapport n’en traite pas, il est également possible que certaines percées technologiques soient à l’origine de modifications fondamentales dans la façon dont les Canadiens produisent de l’énergie ou la consomment. Par exemple, une méthode rentable pourrait être mise de l’avant afin de tirer profit des importantes ressources en hydrates de gaz au Canada, le pays pourrait entrer dans l’ère de l’hydrogène ou faire une percée dans le domaine de la fusion.
Les technologies fleuriront en fonction de l’ordre prioritaire social et politique futur. Depuis quelques années, les travaux de recherche dans le domaine de l’énergie n’ont pas été en mesure de suivre le rythme de la croissance économique[19]. Les scénarios du rapport sur L’avenir énergétique du Canada décrivent un contexte possible en vue de l’exploration de possibilités technologiques.
[19] Investissements privés en recherche et développement dans le secteur de l’énergie : 0,75 % des revenus; 3,8 % ailleurs que dans le secteur de l’énergie. Pour un complément d’information : Ressources naturelles Canada, Construire des alliances puissantes – Priorités et orientations en sciences et en technologies énergétiques au Canada, Groupe consultatif national sur les sciences et technologies relatives à l’industrie durable, 2006.
Infrastructures
Les besoins en nouvelles infrastructures et la signification de tels besoins rendent bien compte de la diversité et de la nature étendue de l’économie énergétique au Canada. Alors que des enjeux uniques se posent dans les secteurs du pétrole, du gaz naturel et de l’électricité, de nouvelles installations ne sont jamais les bienvenues, quel que soit le secteur et peu importe la source d’énergie. Des ajouts aux infrastructures, allant de la mise en valeur des sables bitumineux jusqu’à la production et au transport d’électricité, sont également requis compte tenu des préoccupations actuelles à l’égard de la qualité de l’air et de la nécessité, à plus long terme, de réduire les émissions de GES.
D’autres facteurs ayant une incidence sur l’exécution en temps opportun des plans visant l’ajout d’infrastructures comprennent la disponibilité d’une main-d’oeuvre qualifiée et de prestations professionnelles, au même titre que l’escalade des coûts des produits et des services.
En raison des prix actuels et prévus du pétrole ainsi que des engagements substantiels qui ont déjà été pris par les promoteurs, les sables bitumineux semblent destinés à dominer les projets de mise en valeur dans le secteur amont pendant encore de nombreuses années. Des incertitudes demeurent quant à l’ampleur de tels travaux et à leur échéancier compte tenu des inquiétudes à l’égard de la disponibilité des ressources aquifères à des fins de transformation, des coûts croissants, du manque de main-d’oeuvre qualifiée et de la présence en quantités suffisantes de diluants à mélanger au bitume. L’accroissement substantiel de la production tirée des sables bitumineux laisse entrevoir qu’il faudra ouvrir l’accès à de nouveaux marchés. Dans un tel contexte, les propositions actuellement à l’étude de nouveaux pipelines sont nombreuses pour approvisionner certaines régions, aux É.-U., en dehors des marchés habituels. Par ailleurs, l’industrie pourrait plus tard porter son attention vers les marchés d’outre-mer. Les raffineurs doivent se pencher sur la question des types de pétrole brut à transformer afin de tenir compte d’une production tirée des sables bitumineux beaucoup plus imposante en raison d’un accroissement des investissements dans ce domaine. Le maintien de prix élevés pour le pétrole fait que les propriétaires des ressources, en particulier les provinces, réévaluent les régimes de redevances en place. Ce facteur pourrait avoir lui aussi des répercussions sur la réalisation de nouveaux projets de mise en valeur et sur leurs échéanciers, dans les régions pionnières comme dans celles renfermant des ressources classiques.
Le marché gazier nord-américain passe graduellement d’autonome qu’il était à une situation où il doit de plus en plus faire appel au GNL produit à l’extérieur du continent. L’importance des importations en Amérique du Nord dépendra dans une certaine mesure du degré de succès des projets gaziers en Alaska, dans le delta du Mackenzie et sur la côte Est, ainsi que de la mise en valeur de ressources non classiques comme le méthane de houille (MH) dans l’Ouest canadien et la région des Rocheuses aux É.-U., tout cela ayant des incidences supplémentaires sur les infrastructures pipelinières actuelles et à venir. La récente escalade des coûts pour les projets dans le Nord ajoute aux incertitudes quant aux dates d’entrée en service et soulève certaines inquiétudes au sujet de leur réalisation. Par contre, il est prévu que la demande de gaz naturel continuera de croître, surtout pour la production d’électricité, ce qui créera un besoin pour la prestation de nouveaux services gaziers destinés au secteur électrique, notamment le stockage de gaz. La production de sables bitumineux pousse elle aussi à la hausse de la demande de gaz, et elle présente en outre une belle occasion de production efficace d’électricité par récupération de chaleur résiduelle (cogénération).
Partout au Canada, les stratégies provinciales portant sur l’énergie en général et sur l’électricité en particulier sont examinées afin d’assurer le caractère approprié des objectifs environnementaux et de production. De nouvelles infrastructures substantielles pour les modes de production classiques et les technologies émergentes (p. ex., l’éolien, les petites centrales hydroélectriques et la biomasse) sont planifiées ou en cours d’aménagement. La façon dont chaque province prévoit répondre à ses besoins uniques dépend de la structure de ses marchés et de ses ressources de production (p. ex., les projets d’aménagement hydroélectriques ont tendance à dominer à Terre-Neuve-et-Labrador, au Québec, au Manitoba et en Colombie-Britannique, tandis que dans les autres provinces, il y a amalgame de ressources thermiques et hydrauliques). À l’heure actuelle, après nombre d’années de croissance faible ou inexistante au chapitre du transport, d’importants investissements dans des projets interprovinciaux (p. ex., en Alberta et en Ontario) et dans des interconnexions interprovinciales (p. ex., du Québec à l’Ontario et du Manitoba à l’Ontario) sont envisagés. Qui plus est, de nouvelles interconnexions avec les É.-U. sont également à l’étude.
Énergie et économie canadienne
Par habitant, les Canadiens comptent parmi les plus gros consommateurs d’énergie dans le monde. Cet état de fait est attribuable en grande partie à notre climat[20], aux industries présentes et à la superficie du territoire pour ce qui est du transport des personnes et des marchandises. Le Canada est également un pays laborieux. En 2005, il se classait quatorzième, parmi tous les pays du monde, pour ce qui est du produit intérieur brut (PIB) par habitant[21].
[20] Le Canada se trouve parmi les dix pays du monde où le nombre de degrés-jours de chauffage est le plus élevé. Climate Analysis Indicators Tool: Data note: Heating and Cooling Degree Days; tient compte des densités de population dans chacun des pays.
[21] Fonds monétaire international; moyenne canadienne par habitant de 35 105 $US en dollars de 2005.
L’industrie de l’énergie joue un rôle vital dans l’économie canadienne. Cette industrie[22] comptait directement pour 9,9 %[23] du PIB canadien en 2005 et employait directement 2,9 % de la main-d’oeuvre au pays[24] cette même année. Les revenus d’exportations énergétiques ont totalisé 87,0 milliards de dollars en 2005, ce qui représentait 20 % de la valeur de tous les biens et services canadiens exportés. La part de l’énergie n’a cessé d’augmenter depuis 1998, alors que celle-ci comptait pour 8,1 % de la valeur totale des exportations. À 48,1 milliards de dollars, les exportations nettes d’énergie en 2005 étaient considérables et ont sans cesse progressé depuis 1990 alors qu’elles s’établissaient à 6,7 milliards de dollars[25]. En outre, les retombées et les effets indirects de l’industrie de l’énergie abondent, touchant les activités et les charges de travail dans des secteurs comme le gouvernement, le monde des finances, la construction, les métaux et l’aluminium, les technologies émergentes et la recherche et la consultation, sans oublier de nombreuses incidences à l’échelle locale.
[22] Comprend l’ensemble du secteur pétrolier et gazier et les activités de soutien, l’exploitation minière du charbon, les services publics d’électricité et de gaz naturel, les raffineries, le secteur des oléoducs et des gazoducs ainsi que le secteur pétrochimique.
[23] En dollars courants de 1997, le pourcentage est de 6 %. Ce pourcentage moindre est attribuable au fait que les prix des produits de base servant au calcul du PIB en dollars de 1997 sont de loin inférieurs aux prix de 2005 (taux d’inflation plus élevés de 1997 à 2005).
[24] Au total, 365 400 personnes; 290 400 personnes exclusion faite des employés des stations-service. Source : Enquête sur la population active, Statistique Canada.
[25] La valeur monétaire des exportations nettes en 1990 est tirée du Guide statistique de l’énergie de Statistique Canada, tableau 3.2.
Exportations énergétiques
Comparés à la taille des marchés énergétiques du pays, les approvisionnements en pétrole, gaz naturel, électricité et charbon du Canada sont impressionnants. Compte tenu des écarts importants de la demande attribuables aux conditions météorologiques qui prévalent, et compte tenu aussi des énormes distances à franchir pour relier sources d’approvisionnement et marchés, la construction de pipelines et d’infrastructures de transport à des fins d’interconnexion n’aurait pu constituer une entreprise économiquement viable sans la greffe de volumes d’exportation permettant d’absorber une partie des frais engagés. En 2006, pour la première fois depuis nombre d’années, la valeur des exportations nettes de pétrole du Canada vers les É.-U. était supérieure à celle des exportations nettes de gaz naturel. La croissance des exportations de pétrole est le résultat de l’accroissement de la production tirée des sables bitumineux et des régions pionnières sur la côte Est.
Une question qui ne cesse d’être soulevée au sujet du pétrole et des liquides de gaz naturel est celle de la mesure dans laquelle l’énergie est exportée dans sa forme brute à moindre valeur plutôt que transformée au Canada en des produits à valeur ajoutée destinés à l’exportation. Cette dernière façon de procéder est à l’origine de revenus d’exportation supérieurs, mais il faut alors compter avec les coûts d’aménagement d’infrastructures de transformation et elle va à l’encontre des principes économiques classiques voulant qu’il soit plus avantageux de transformer des biens à proximité des marchés d’utilisation finale plutôt qu’au point d’extraction.
Les volumes d’exportation de gaz naturel ont récemment régressé en raison du déclin de la production provenant de gisements arrivés à maturité et de la hausse de la demande au pays. Si cette tendance devait se maintenir, des coûts pourraient découler de la sous-utilisation des infrastructures en place.
Les exportations d’électricité sont la conséquence de la taille des infrastructures, construites de manière à pouvoir répondre aux besoins de pointe en hiver, ouvrant ainsi la voie à une sous-utilisation possible pendant le reste de l’année. La capacité d’exporter et d’importer en dehors des périodes de pointe et pendant ces périodes améliore la fiabilité et l’efficacité du réseau. L’idée d’ajouter à la capacité de transport est-ouest pourrait signifier un recul des échanges nord-sud avec les É.-U. Dans le même esprit, un réchauffement des températures et une diminution des précipitations pourraient mener à une baisse des exportations en raison d’une moins grande disponibilité d’énergie électrique à de telles fins et d’une consommation accrue d’électricité pour la climatisation en été.
Les importations et les exportations de charbon canadien sont touchées par les ajouts à la capacité de production d’électricité, les types de production choisis et le caractère concurrentiel ou non de ce charbon sur les marchés internationaux. Les importations au Canada de charbon thermique subissent le contrecoup de la fermeture de centrales en Ontario, tandis que la situation de l’industrie du fer et de l’acier à l’étranger et la capacité concurrentielle des producteurs au pays auront des répercussions sur les exportations canadiennes de charbon métallurgique.
Réserves canadiennes
Le point de départ pour l’élaboration de projections à long terme portant sur la production de pétrole brut et de gaz naturel consiste à étudier le potentiel des réserves. Les ressources classiques pour le pétrole et le gaz naturel sont calculées d’après des estimations publiées par les organismes provinciaux de l’énergie, les offices des hydrocarbures extracôtiers, la Commission géologique du Canada (CGC) et l’Office. Les estimations des ressources de bitume sont celles de l’Energy and Utilities Board de l’Alberta (EUB)[26].
[26] Comme ce fut le cas pour la revue Oil & Gas Journal, le rapport BP Statistical Review of World Energy a admis comme valables les estimations de réserves établies de bitume, produites par l’EUB, dans son énumération des réserves mondiales de pétrole.
À la fin de 2005, les réserves pétrolières restantes du Canada s’établissaient à 28,2 Gm³ (178 milliards de barils), dont 27,5 Gm³ (173 milliards de barils) de bitume et 0,7 milliard de mètres cubes (4,2 milliards de barils) de pétrole brut classique (figure 2.3).
Figure 2.3
Réserves prouvées estimatives de pétrole, 2005
Source : BP Statistical Review of World Energy, 2007
En tenant compte de ses immenses réserves récupérables de sables bitumineux, le Canada arrive au deuxième rang dans le monde, derrière l’Arabie saoudite, en termes de réserves de pétrole.
Selon le rapport BP Statistical Review of World Energy produit en 2007, le Canada renferme 0,9 % des réserves prouvées de gaz naturel dans le monde et compte pour 6,7 % de la production mondiale. Les estimations de l’ONÉ en ce qui a trait aux réserves restantes de gaz commercialisable à la fin de 2005 sont de 1 619 Gm³ (57,2 Tpi³). Des ajouts aux réserves de 212 Gm³ (7,5 Tpi³) en 2005 ont permis de remplacer 125 % de la production de cette même année. L’accroissement des réserves restantes est le résultat de plus importants travaux d’exploration et d’une meilleure récupération dans les gisements gaziers connus, compte tenu de la forte augmentation des prix du gaz naturel en 2005. Au cours de cette même année, les réserves initiales ont augmenté en Alberta, en Colombie-Britannique et en Saskatchewan, alors qu’elles ont légèrement diminué en Ontario et dans les régions pionnières. Avec le recul des prix du gaz naturel, la progression des réserves attribuable aux prix en 2005 pourrait en partie s’inverser en 2006[27]. Depuis la déréglementation des marchés du gaz naturel au milieu des années 1980, le rapport entre réserves restantes de gaz et production annuelle (l’indice de la durée de vie des réserves) a régressé et est passé de plus de 20 à une relative stabilité entre 8 et 10 depuis 1999.
[27] Toutes les données pour 2006 n’étaient pas disponibles au moment de la rédaction du présent rapport.
Les réserves de charbon sont abondantes partout dans le monde et comptent pour plus de la moitié des réserves restantes d’hydrocarbures. Le Canada dispose d’importantes réserves de charbon (tableau 2.1). Aux prix actuels, les réserves de charbon représentent environ 8 % des ressources, et au taux de production qui prévaut, elles suffiraient à répondre à la demande pendant environ un siècle, comparativement à une décennie pour le gaz naturel et le pétrole classique. Si le rythme de production devait se maintenir, les réserves de sables bitumineux seraient suffisantes pour répondre à la demande pendant plus ou moins 500, mais il faut prévoir que cette durée diminuera du fait que la production tirée des sables bitumineux augmente rapidement.
Tableau 2.1
Ressources charbonnières au Canada
(en millions de tonnes) | Anthracite | Bitumineux | Subbitumineux | Lignite | Total |
---|---|---|---|---|---|
Ouest canadien[1] | 2 515 | 29 255 | 34 470 | 10 975 | 77 215 |
Est du Canada[2] | 0 | 1 480 | 180 | 0 | 1 660 |
Total | 2 515 | 30 735 | 34 650 | 10 975 | 78 875 |
[1] Saskatchewan, Alberta, Colombie-Britannique et les territoires [2] Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick et Ontario Source : Ressources canadiennes en charbon, Commission géologique du Canada, 1989. |
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