ARCHIVÉ – L’ABC du gaz de schistes au Canada – Note d’information sur l’énergie

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ISSN 1917-5078

L’ABC du gaz de schistes au Canada - Note d’information sur l’énergie - Novembre 2009 [PDF 7632 ko]

Note d’information sur l’énergie

L’ABC du gaz de schistes au Canada

Novembre 2009

Droit d’auteur et droit de reproduction

Table des matières

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Liste des figures

Liste des figures
Figure 1 Zones de gaz de schistes en Amérique du Nord
Figure 2 Schistes d’Utica près de Donnacona, au Québec
Figure 3 Production de méthane biosynthétique (zone de reproduction) et thermogénique (cuisine)
Figure 4 Schistes d’Utica fortement fracturés près de la chute Montmorency, au Québec
Figure 5 Puits horizontaux par opposition aux puits verticaux et fracturation hydraulique en plusieurs étapes
Figure 6 Imagerie microsismique d’une fracture en plusieurs étapes
Figure 7 Schéma d’un terre-plein de forage à plusieurs puits et de plusieurs puits horizontaux à partir du même emplacement de surface
Figure 8 Profils de production historiques et escomptés des puits de gaz de schistes de Montney
Figure 9 Schéma de l’unité de séquestration de dioxyde de carbone proposée par Spectra Energy près de Fort Nelson
Figure 10 Production gazière de la formation de Montney et types de zones dans le nord-ouest de l’Alberta et le nord-est de la Colombie-Britannique
Figure 11 Nombre de puits horizontaux de gaz de schistes dans la formation de Montney et production jusqu’en juillet 2009
Figure 12 Stratigraphie et emplacement du bassin de Horn River
Figure 13 Schistes d’Utica et emplacement des tendances de production
Figure 14 Coupe transversale du nord-ouest vers le sud-est de la formation de schistes d’Utica
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Liste des tableaux

Liste des tableaux
Tableau 1 Comparaison des zones schisteuses au Canada
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Avant-propos

L’Office national de l’énergie (l’ONÉ ou l’Office) est un organisme fédéral indépendant qui réglemente plusieurs secteurs de l’industrie énergétique du Canada. Il a pour raison d’être de promouvoir, dans l’intérêt public canadien, la sûreté et la sécurité, la protection de l’environnement et l’efficience de l’infrastructure et des marchés énergétiques, en vertu du mandat conféré par le Parlement au chapitre de la réglementation des pipelines, de la mise en valeur des ressources énergétiques et du commerce de l’énergie. Les principales responsabilités de l’Office consistent à réglementer la construction et l’exploitation d’oléoducs et de gazoducs interprovinciaux et internationaux, ainsi que de lignes internationales de transport d’électricité et de lignes interprovinciales désignées. L’Office réglemente en outre les droits et tarifs des pipelines de son ressort, les importations et les exportations de gaz naturel, ainsi que les exportations de pétrole, de liquides de gaz naturel (LGN) et d’électricité. Il réglemente enfin l’exploration, la mise en valeur et la production du pétrole et du gaz sur les terres domaniales et dans les zones extracôtières qui ne sont pas assujetties à des ententes de gestion provinciales ou fédérales. De par ses fonctions de conseil, il doit surveiller les questions sur lesquelles le Parlement a compétence dans les domaines de l’approvisionnement, du transport et de l’utilisation de l’énergie à l’intérieur et à l’extérieur du Canada.

L’ONÉ surveille les marchés de l’énergie pour analyser objectivement la situation des produits énergétiques et informer la population canadienne sur les tendances, faits nouveaux et enjeux notables. L’Office publie de nombreux rapports de recherche. La présente note d’information se veut une analyse de l’une des facettes des produits énergétiques. Elle traite plus particulièrement des divers aspects de la mise en valeur du gaz de schistes afin d’aider le public à comprendre cette ressource émergente.

L’ONÉ tient à remercier Ross Smith Energy Group, Ziff Energy Group, Schlumberger, Spectra Energy et JuneWarren Publishing de lui avoir permis d’utiliser leurs illustrations. Spectra Energy a fourni d’utiles renseignements sur la séquestration du dioxyde de carbone (CO2) dans le nordest de la Colombie-Britannique.

Quiconque souhaite utiliser le présent rapport dans une instance réglementaire devant l’Office peut le soumettre à cette fin, comme c’est le cas pour tout autre document public. Une partie qui agit ainsi se trouve à adopter l’information déposée et peut se voir poser des questions au sujet de cette dernière. L’Office tient à préciser que, bien qu’il fasse référence à des estimations ou des prévisions spécifiques dans la présente note d’information, il ne pose nullement de jugement sur les demandes dont il est actuellement saisi ni sur les celles dont il pourrait être saisi dans l’avenir.

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Résumé

Mises en valeur depuis quelques années seulement, les formations de schistes sont actuellement ciblées pour la production de gaz naturel. D’après les résultats préliminaires, diverses régions du Canada pourraient receler un potentiel important de production de gaz de schistes : c’est le cas des zones traditionnelles de production de gaz classique que sont l’Alberta, la ColombieBritannique et la Saskatchewan, mais aussi des zones non traditionnelles comme le Québec, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. La situation est cependant très incertaine car la production de gaz de schistes au Canada en est seulement à l’étape de l’expérimentation ou aux tout premiers stades de la mise en valeur. Le plein potentiel de production ne sera donc pas connu avant un bon moment. Si l’exploitation se révélait un succès, le gaz de schistes canadien pourrait partiellement compenser la baisse prévue à long terme de la production de gaz naturel classique.

Cette ressource émergente fait intensément appel à la technologie car il faut extraire le gaz à partir d’une roche autrement improductive. Pour maximiser le taux de récupération du gaz, il faut forer des puits en bien plus grand nombre que pour le gaz naturel classique. Sans compter que les puits horizontaux, qui peuvent atteindre jusqu’à deux kilomètres de longueur, sont largement utilisés pour accéder au réservoir. La fracturation hydraulique en plusieurs étapes, par laquelle le schiste est fissuré à hautes pressions en divers endroits le long de la section horizontale du puits, est une technique utilisée pour créer des conduits par où le gaz peut circuler. L’imagerie microsismique permet aux opérateurs de voir où se produit le grossissement de la fracture dans le réservoir. Comme ce procédé fait intensément appel à la technologie, le rythme de mise en valeur du gaz de schistes peut être limité par la disponibilité des ressources requises, comme l’eau douce, l’agent de soutènement des fractures ou les appareils capables de forer des puits de plusieurs kilomètres de longueur.

Les techniques spécialisées employées pour exploiter le gaz de schistes soulèvent des préoccupations d’ordre environnemental. Il est possible que les ressources en eau douce soient fortement sollicitées en raison des grandes quantités d’eau requises pour le fluide de fracturation hydraulique. L’empreinte écologique laissée par l’utilisation des terres dans la mise en valeur du gaz de schistes ne devrait pas être tellement plus grande que celle de l’exploitation du gaz classique, malgré la densité plus élevée des puits, car les progrès de la technologie du forage horizontal permettent de forer et exploiter jusqu’à dix puits ou plus à partir du même emplacement. Par contre, le bilan carbone pourrait être élevé par le fait des émissions de dioxyde de carbone (CO2), une impureté naturelle qui se trouve parfois dans le gaz de schistes. On a proposé de capturer et stocker le carbone pour pallier la situation.

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Introduction

La production canadienne de gaz naturel classique diminue et devrait continuer de diminuer au cours des prochaines années[1]. Devant cette situation, l’industrie a commencé à concentrer ses efforts sur l’exploration du gaz naturel non classique - c.-à-d. celui qui peut être produit à partir de réservoirs non traditionnels de faible perméabilité[2], comme les schistes ou les charbons. Nombre de réservoirs renferment également du gaz de réservoirs étanches extrait de sources non classiques, comme les grès, les calcaires ou les dolomies de faible perméabilité. La mise en valeur de ces ressources non classiques comporte des difficultés d’ordre technologique. Les principales zones de gaz de schistes au Canada sont celles du bassin de Horn River et de Montney dans le nord-est de la Colombie-Britannique, du groupe de Colorado en Alberta et en Saskatchewan, et des formations d’Utica au Québec et de Horton Bluff au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse.

[1] Office national de l’énergie, 2009. Productibilité à court terme de gaz naturel au Canada 2009-2011 - Note d’information sur l’énergie.
[2] La perméabilité est la capacité d’un liquide ou d’un gaz de se déplacer à travers un solide poreux ou fracturé.

Figure 1 : Zones de gaz de schistes en Amérique du Nord

Figure 1: Zones de gaz de schistes en Amérique du Nord

Source :

Advanced Resources, SPE/Holditch Nov. 2002, Hill 1991, Cain, 1994, Hart Publishing, 2008
adaptation d’une figure de Ziff Energy Group, 2008

Note :

Mise en valeur : Barnett, Fayetteville, Haynesville, Woodford, Marcellus, Montney et Horn River
Évaluation : Barnett/Woodford, Utica, Gothic et Eagle Ford
Autres zones schisteuses : potentiel de croissance à moyen et long terme

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Qu’entend-on par schiste?

Par schiste on entend une roche sédimentaire qui s’est à l’origine déposée sous forme de boue (argile et silt) et se compose généralement d’argile, de silice (comme le quartz), de carbonate (comme la calcite ou la dolomite) et de matière organique[3]. On estime habituellement que les schistes sont riches en argile, mais les proportions des constituants peuvent varier sensiblement. Le schiste peut également renfermer de minces gisements ou lamines[4] de grès, de calcaires ou de dolomies (figure 2). La boue s’est déposée en eaux profondes et tranquilles, comme dans de grands lacs, des mers ou des océans. La matière organique présente dans la boue, qui se composait d’algues, de matière végétale ou de plancton, est morte puis s’est fixée au fond marin ou au lit des lacs avant d’être enterrée.

[3] On pourrait donner au schiste la définition technique suivante : [TRADUCTION] « Roche sédimentaire terrigène fissile dont les particules sont essentiellement composées de silt et d’argile ». Fissile qualifie la capacité de la roche de se fractionner en minces couches le long du sédiment alors que terrigène renvoie à l’origine du sédiment : c’est en somme le produit du vieillissement des roches. Blatt, H., et Tracy, R.J., Petrology: Igneous, Sedimentary, and Metamorphic, W.H. Freeman and Company, New York, 2000, 529 p.
[4] Un gisement est une couche de sédiment de plus de 1 cm d’épaisseur, alors qu’une lamine est une couche de sédiment de moins de 1 cm d’épaisseur.

Figure 2 : Schistes d’Utica près de Donnacona, au Québec

Figure 2 : Schistes d’Utica près de Donnacona, au Québec

Les gisements foncés sont des schistes et les gisements pâles des calcaires. La couleur foncée du schiste d’Utica est due en partie à la présence de matière organique. Le stylo sert à illustrer l’échelle.

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Bref historique du pétrole

Bien qu’on ne s’y intéresse vraiment que depuis quelques années seulement, le gaz naturel[5] était déjà extrait des formations de schistes situées dans les Appalaches américaines dès la fin des années 1800. Le pétrole découvert en 1920 à Norman Wells, dans les Territoires du Nord-Ouest du Canada, provenait de dépôts de schistes fracturés qui, a-t-on constaté plus tard, étaient reliés au gisement de pétrole classique sous-jacent. Dans le sud-est de l’Alberta et le sud-ouest de la Saskatchewan, le gaz est produit depuis des décennies à partir de la formation du Second schiste argileux de White. On produit également du gaz de schistes à partir de la formation schisteuse d’Antrim, dans le bassin du Michigan, depuis la fin des années 1940. Dans tous ces cas de production pionnière, la fracturation naturelle du schiste était suffisante pour rentabiliser la récupération, généralement à l’aide de puits verticaux produisant à de faibles taux sur une longue période.

[5] L’expression « gaz naturel » fait référence au méthane et à l’éthane produits directement à même les réservoirs géologiques. Avant que le gaz naturel ne soit extrait des puits, le méthane était un « gaz manufacturé » à partir du traitement à haute température du charbon.

L’expérience récente montre que même dans les régions dotées de fracturations naturelles moins nombreuses, le gaz de schistes peut devenir une ressource prolifique. Un puits dans la formation de schistes de Barnett au Texas produit d’ordinaire entre 85 000 et 140 000 mètres cubes par jour (m³/j), ou de 3 à 5 millions de pieds cubes par jour (Mpi³/j) au départ. En comparaison, le puits de gaz naturel classique au Canada foré et mis en production en 2007 avait une production moyenne au départ d’environ 5 700 m³/j (0,2 Mpi³/j)[6]. La production extraite des schistes de Barnett devrait atteindre un sommet de l’ordre de 140 106m³/j (5 Gpi³/j)[7] au cours des prochaines années, soit l’équivalent de près du tiers de la production totale de gaz naturel du Canada en 2008 (458 106m³/j, ou 16,2 Gpi³/j), ou les deux tiers de la consommation canadienne cette même année (216 106m³/j, ou 7,6 Gpi³/j)[8].

[6] Office national de l’énergie, 2008. Productibilité à court terme de gaz naturel au Canada 2008-2010 - Évaluation du marché de l’énergie, annexes, figure A2.1.
[7] Les abréviations employées pour les gros volumes métriques dans le présent rapport sont : 106m³ (million de mètres cubes), 109m³ (milliard de mètres cubes) et 1012m³ (billion de mètres cubes). Les abréviations employées pour les gros volumes impériaux sont : Gpi³ (milliard de pieds cubes) et Tpi³ (billion de pieds cubes).
[8] Office national de l’énergie, 2009. Aperçu de la situation énergétique au Canada 2008.

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Source du gaz naturel dans les schistes

Comme la boue se transforme en schistes une fois enfouie à de faibles profondeurs, généralement à quelques centaines de mètres - ce qu’on pourrait appeler la « zone de reproduction » -, les bactéries se nourrissent de la matière organique disponible - jusqu’à 10 % du volume de la roche mais généralement moins de 5 % - et libère un produit dérivé, le méthane biosynthétique (figure 3) [9]. Le gaz naturel se forme également à de grandes profondeurs, alors que les schistes se trouvent dans ce qu’on pourrait appeler la « cuisine », généralement à plusieurs kilomètres de profondeur, là où la chaleur et la pression craquent la matière organique, y compris le pétrole qui a déjà été produit sous le même effet de la chaleur et de la pression, pour en faire de petits hydrocarbures, comme le méthane thermogénique (figure 3). Une partie du pétrole et du gaz réussit à s’échapper et à migrer dans la roche plus poreuse des gisements de gaz classique. En fait, les réserves de gaz et de pétrole classiques dans le monde proviennent pour la plupart des schistes riches en matières organiques d’où elles se sont échappées. Mais une partie du gaz et du pétrole reste sur place, soit parce qu’elle est emprisonnée dans des micropores, soit parce qu’elle est fixée à la matière organique à l’intérieur du schiste.

[9] Shurr, G.W., et Ridgley, J.R., 2002. Unconventional shallow gas biogenic systems. AAPG Bulletin, v. 86, no 11. pp. 1939-1969.

Figure 3 : Production de méthane biosynthétique (zone de reproduction) et thermogénique (cuisine)

Figure 3 : Production de méthane biosynthétique (zone de reproduction) et thermogénique (cuisine)

Source : Shurr et Ridgley, 2002.

Par exemple, le gaz naturel produit dans la formation du Second schiste argileux de White de l’Alberta et de la Saskatchewan provient de zones peu profondes - mais suffisamment pour que le gaz soit encore généré par les bactéries - alors que le gaz naturel produit dans le bassin du Dévonien de Horn River et de la formation de Montney du Trias provient de zones profondes. Le schiste d’Utica du Québec comprend des sections profondes et des sections peu profondes qui renferment un potentiel pour le gaz naturel thermogénique et biosynthétique, respectivement.

L’origine du gaz naturel est un facteur important lorsqu’il s’agit d’évaluer les zones prometteuses en gaz de schistes. Par exemple, les systèmes thermogéniques produisent souvent des liquides de gaz naturel[10] en plus du méthane, ce qui peut ajouter de la valeur à la production, alors que les systèmes biosynthétiques produisent uniquement du méthane. Les systèmes thermogéniques peuvent également mener à la production de dioxyde de carbone, une impureté du gaz naturel, qui est coûteuse à enlever et peut accroître les émissions de gaz à effet de serre. Le gaz des zones thermogéniques a tendance à circuler à forts débits, mais on l’extrait normalement en recourant intensivement au forage horizontal, une technique plus coûteuse que pour le gaz des zones biosynthétiques, lequel circule à plus faibles débits et est extrait au moyen de puits verticaux peu profonds et étroitement espacés.

[10] Les liquides de gaz naturel (LGN) sont des hydrocarbures plus lourds que le méthane, comme le propane, le butane et le pentane, et qui sont communément associés à la production de gaz naturel.

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Réservoirs de schistes

Dans les réservoirs classiques, le pétrole et le gaz sont relativement mobiles et circulent facilement à travers la formation perméable en raison de leur flottabilité - ils sont plus légers que l’eau qui se trouve dans la même formation, si bien qu’ils lèvent - jusqu’à ce qu’ils soient emprisonnés contre la roche imperméable qui l’empêche d’aller plus loin. Cela produit des gisements localisés de pétrole et de gaz alors que le reste de la formation est rempli d’eau. Le gisement moyen de gaz naturel en Alberta renferme 169 106m³ (6,0 Gpi³) de gaz en place répartis sur 5,3 km2 en moyenne.

Le gaz de schistes, tant le biosynthétique que le thermogénique, reste toutefois là où il a été produit à l’origine; on le trouve sous trois formes : 1) le gaz libre logé dans les espaces interstitiels et les fractures; 2) le gaz adsorbé, c.-à-d. qui est électriquement fixé à la matière organique et à l’argile; 3) et, en bien moindre quantité, le gaz dissous dans la matière organique. Comme les schistes peuvent avoir quelques douzaines de mètres comme plusieurs centaines de mètres - voire quelques kilomètres - d’épaisseur et s’étendre sur de très vastes territoires, les schistes gazeux sont souvent appelés des zones ressources, où les ressources en gaz naturel sont réparties sur de vastes territoires plutôt que concentrées en des endroits bien précis. Le volume de gaz naturel contenu dans une zone ressource grossit au fur et à mesure que l’épaisseur et la superficie du dépôt s’agrandissent. Les zones de gaz de schistes renferment des centaines, voire des milliers, de milliards de mètres cubes (des dizaines, voire des centaines, de Tpi³) de gaz en place répartis sur des centaines, voire des milliers, de kilomètres carrés. La difficulté tient à l’extraction de ce gaz, ne serait-ce qu’une petite fraction du volume.

Les espaces interstitiels présents dans les schistes et à travers lesquels le gaz naturel doit circuler pour pouvoir se rendre jusqu’aux puits sont 1 000 fois plus petits que les espaces des réservoirs de grès classiques. Les espaces qui joignent les pores sont plus petits encore, soit seulement 20 fois plus grands qu’une molécule de méthane[11]. C’est pourquoi le schiste a une très faible perméabilité. Les fractures, toutefois, qui servent de conduits pour la circulation du gaz naturel, peuvent exister à l’état naturel dans les schistes et augmenter leur perméabilité.

[11] Bowker, Kent A., Development of the Barnett Shale play, Forth Worth Basin. West Texas Geological Society Bulletin, v. 42, no 6, 2007, pp. 4-11,

Figure 4: Schistes d’Utica fortement fracturés près de la chute Montmorency, au Québec

Figure 4: Schistes d’Utica fortement fracturés près de la chute Montmorency, au Québec

Il existe également du gaz extrait de schistes hybrides, où la boue déposée à l’origine était riche en sable ou en silt, ce qui explique sa plus grande perméabilité et une plus grande vulnérabilité à la fracturation hydraulique (voir ci-dessous). C’est le cas de la formation de Montney du Trias et de la formation du Second schiste argileux de White. La formation de Montney est tellement riche en silt et en sable que les publications de l’ONÉ parlent souvent de gaz de réservoirs étanches. Contrairement au gaz de réservoirs étanches, le gaz naturel de la formation de Montney provient de sa propre matière organique, une caractéristique que l’on trouve normalement dans le gaz de schistes. Il convient de noter qu’il n’y a pas de définition du gaz de schistes commune à tous les organismes de réglementation. Pour simplifier le propos, le gaz de la formation de Montney sera appelé gaz de schistes dans la présente note d’information.

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Forage et complétion des puits de gaz de schistes

Le gaz naturel ne s’écoule pas facilement vers un puits vertical foré à travers lui en raison de la faible perméabilité des schistes. Pour faciliter son écoulement, on pratique le forage horizontal, où le trépan est orienté non pas vers le bas mais de manière à suivre une trajectoire horizontale sur un à deux kilomètres, pour que le puits de forage soit exposé à la plus grande partie possible du réservoir (figure 5). Avec le forage horizontal, le puits a des chances de croiser un plus grand nombre de fractures naturelles du réservoir; l’orientation de la trajectoire du forage est donc choisie en fonction des tendances connues des fractures dans chaque zone. Certains schistes toutefois ne peuvent être forés qu’à partir de puits verticaux à cause du risque d’effondrement du trou de sonde (c’est le cas du schiste de la formation du Second schiste argileux de White de l’Alberta et de la Saskatchewan). L’avantage du forage horizontal sur le forage vertical est le plus grand accès au réservoir, mais l’inconvénient est son coût beaucoup plus élevé.

Figure 5 : Puits horizontaux par opposition aux puits verticaux et fracturation hydraulique en plusieurs étapes

Figure 5 : Puits horizontaux par opposition aux puits verticaux et fracturation hydraulique en plusieurs étapes

Source : JuneWarren Publishing, 2008.

La fracturation hydraulique est une technique largement employée par l’industrie pétrolière et gazière pour améliorer l’exploitation des réservoirs de faible perméabilité. Le fluide - essentiellement l’eau, le dioxyde de carbone, l’azote ou le propane - est pompé vers le fonds du puits jusqu’à ce que la pression dépasse la force de la roche et fasse craquer le réservoir (figure 5). Le fluide de fracturation est chargé d’un agent de soutènement - souvent 100 tonnes ou plus de billes de céramique ou de grains de sable - qui infiltre la formation et aide à maintenir les fractures ouvertes, lesquelles risqueraient de se refermer une fois la pression relâchée. Le choix du fluide employé pour la fracturation dépend de bien des facteurs, selon par exemple que l’argile présente dans le réservoir est sensible à l’eau - certaines argiles gonflent en présence d’eau douce, comme dans le schiste de la formation de Colorado - ou que le réservoir réagit mieux à tel ou tel fluide : seule l’expérimentation permet habituellement de le déterminer.

Deux facteurs contribuent à la capacité de fracturation des schistes. Le premier est la présence d’un minéral comme la silice - et la calcite dans une moindre mesure - qui casse comme du verre. L’argile cependant a tendance à absorber davantage la pression et souvent elle plie sous la pression hydraulique exercée sans casser. C’est pourquoi les schistes riches en silice, comme ceux que l’on trouve dans le bassin de Horn River, sont d’excellents candidats pour la fracturation. Le second facteur est la pression interne du schiste. Des schistes en état de surpression se développent au cours de la production de gaz naturel : en raison de leur faible perméabilité, une bonne partie du gaz ne peut s’échapper et s’accumule sur place, augmentant la pression interne de la roche. Ainsi, le réseau de fractures créées artificiellement permet une pénétration plus en profondeur dans la formation puisque le schiste est déjà plus proche de son point de rupture que ce n’est le cas pour les schistes à pression normale. Les schistes des formations de Horn River, Montney et Utica sont tous en état de surpression alors que c’est le contraire pour les schistes de la formation de Colorado.

De plus, en isolant des sections le long de la partie horizontale du puits, des segments du trou de sonde peuvent être fracturés un à la fois au moyen de la technique dite de la fracture en plusieurs étapes (figure 5). En écoutant à la surface et dans les puits avoisinants, on peut déterminer jusqu’où, dans quelle mesure et dans quelles directions le schiste a craqué sous l’action de la pression induite (figure 6). Enfin, les schistes peuvent être fracturés de nouveau des années plus tard, après que la production a diminué. Le puits peut alors permettre d’accéder à une partie du réservoir qui aurait pu être manquée lors de la fracturation hydraulique initiale ou de rouvrir des fractures qui auraient pu être fermées suite à une baisse de pression survenue lors du drainage du réservoir.

Figure 6 : Imagerie microsismique d’une fracture en plusieurs étapes

Figure 6 : Imagerie microsismique d’une fracture en plusieurs étapes

Chaque couleur représente une fracture en une seule étape.

Source : Schlumberger, 2007.

Même avec la fracturation hydraulique, les puits forés dans des réservoirs à faible perméabilité ont du mal à « communiquer » loin dans la formation. Aussi faut-il forer des puits supplémentaires pour joindre la plus grande quantité de gaz possible, généralement trois ou quatre, voire jusqu’à huit puits horizontaux par section[12]. En comparaison, on fore normalement un seul puits par section dans les réservoirs de gaz naturel classique de l’Ouest canadien. Cela ne signifie pas nécessairement que l’empreinte écologique causée par l’utilisation des terres sera plus grande que pour le forage de puits de gaz classique. Plusieurs puits de gaz de schistes dont le forage horizontal peut atteindre une distance de deux kilomètres peuvent être forés à partir d’un seul emplacement d’une superficie d’un hectare, réduisant l’empreinte à un emplacement de puits ou moins par section (figure 7).

[12] Une section est une parcelle établie selon la méthode de quadrillage (canton, rang) pour l’arpentage des terres fédérales octroyées pendant la colonisation de l’Ouest canadien. Une section équivaut à un mille carré.

Figure 7 : Schéma d’un terre-plein de forage à plusieurs puits et de plusieurs puits horizontaux à partir du même emplacement de surface

Figure 7 : Schéma d’un terre-plein de forage à plusieurs puits et de plusieurs puits horizontaux à partir du même emplacement de surface

Remarque : L’image supérieure droite est une coupe transversale alors que l’image inférieure droite est une vue en plongée de la densité estimative des puits sur chacune des UEF (unités d’espacement de forage - environ un mille carré).

Dans les réservoirs de gaz classique, jusqu’à 95 % du gaz naturel peut être récupéré. Dans le cas des schistes, on s’attend à un taux de récupération de 20 % en raison de la faible perméabilité et en dépit du forage horizontal haute densité et du recours intensif à la fracturation hydraulique. En certains endroits de la formation de schistes de Barnett au Texas, le taux de récupération pourrait toutefois dépasser les attentes et atteindre 50 %[13]. Au Canada, le volume total de gaz récupérable dans chacun des puits de gaz de schistes forés horizontalement devrait varier entre 30 106m³ et 280 106m³ (1 et 10 Gpi³), mais il pourrait augmenter à la faveur des progrès de la technologie. Les taux de production des puits horizontaux sont d’abord élevés, généralement entre 85 000 m³/j à 450 000 m³/j (3 et 16 Mpi³/j), puis ils diminuent rapidement au cours de la première année avant de connaître une longue période de faibles taux (figure 8) sur plus d’une dizaine d’années, estime-t-on. Dans les puits de gaz de schistes forés verticalement, les taux d’écoulement sont bien moins élevés : les schistes riches en silice ont une production initiale d’environ 28 000 m³/j (1 Mpi³/j) alors que les puits dans la formation de schistes hybrides peu profonds de Colorado produisent moins de 2 800 m³/j (0,1 Mpi³/j). En comparaison, le puits de gaz naturel classique moyen au Canada foré et mis en production en 2007 donnait des taux de production initiaux d’environ 5 700 m³/j (0,2 Mpi³/j) [14].

[13] American Association of Petroleum Geologists (AAPG) Explorer, avril 2008. Texas ’playgrounds’ attract attention.
[14] Office national de l’énergie, 2008. Productibilité à court terme de gaz naturel au Canada 2008-2010 - Évaluation du marché de l’énergiei, annexes, figure A2.1.

Figure 8 : Profils de production historiques et escomptés des puits de gaz de schistes de Montney

Figure 8 : Profils de production historiques et escomptés des puits de gaz de schistes de Montney

Remarque : La production des puits a été projetée au-delà de 28 mois par régression logarithmique en raison de l’absence de données historiques sur la production à long terme du gaz de schistes de Montney.

L’eau servant à la fracturation contient souvent des additifs chimiques pour l’aider à transporter l’agent de soutènement et elle peut être enrichie de sels après avoir été injectée dans les formations de schistes. C’est pourquoi cette eau, qui est récupérée pendant la production de gaz naturel, doit être soit traitée, soit éliminée d’une manière sécuritaire. On l’élimine généralement en l’injectant dans des formations profondes hautement salines par un ou plusieurs puits forés exprès pour cela. Il s’agit d’une pratique courante dans l’Ouest canadien, où les puits produisent souvent de l’eau en même temps que le pétrole et le gaz naturel classiques; elle est régie par une réglementation bien définie. L’eau refluée est rarement réutilisée dans d’autres fractures à cause du risque de corrosion ou d’écaillage, où les sels dissous présents dans l’eau peuvent précipiter et obstruer des sections du puits ou de la formation. Parmi les techniques expérimentales de traitement de l’eau de reflux issue des schistes de la formation de Barnett, il y a celle de la distillation, où l’eau distillée peut être réutilisée dans d’autres fractures pour réduire la consommation d’eau douce. Il importe de noter que les exploitants évitent de faire s’écouler l’eau récupérée de la fracturation dans le bassin récepteur. De plus, le réservoir soumis à une opération de fracturation se trouve généralement à deux ou trois kilomètres de profondeur et les fractures, tout comme les fluides de fracturation, ne peuvent se rendre jusqu’à une section aussi épaisse de la roche pour atteindre les aquifères à de faibles profondeurs où l’eau potable est extraite. Pour les schistes moins profonds du sud-est de l’Alberta et du sud-ouest de la Saskatchewan, les fractures sont de bien moindre dimensions et la fragilité du schiste va probablement empêcher la pénétration à grande échelle des fractures, ce qui pourrait aussi avoir un effet négatif sur la productivité ultime.

Le forage et la fracturation hydraulique sont des opérations qui nécessitent une grande quantité d’eau; l’expérience canadienne est toutefois trop limitée pour pouvoir en évaluer les impacts environnementaux potentiels. L’on sait qu’aux États-Unis, où l’eau est largement utilisée pour la fracturation hydraulique, chaque puits de la formation de schistes de Barnett dans le bassin de Fort Worth au Texas nécessite quelque 11 millions de litres d’eau douce, ou 3 millions de gallons américains. D’après les premiers rapports émanant des exploitants de schistes canadiens, les chiffres seraient du même ordre. Cependant, l’eau n’est pas nécessairement requise pour toutes les opérations de fracturation hydraulique. Dans la zone de Montney par exemple, on utilise souvent le CO2 comme fluide de fracturation. Par ailleurs, l’eau n’est pas un bon fluide de fracturation pour les schistes peu profonds du groupe de Colorado dans le sud-est de l’Alberta et le sud-ouest de la Saskatchewan à cause de leur vulnérabilité à l’eau. Les exploitants y utilisent plutôt l’azote ou un mélange de propane et de butane comme fluide. Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions sur les conséquences de la mise en valeur du gaz de schistes sur l’utilisation des ressources en eau douce au Canada; toutefois, avec la disponibilité d’agents de soutènement des fractures et d’engins de forage spécialisés capables de forer des puits longs de plusieurs kilomètres, l’eau pourrait se révéler une contrainte au rythme de mise en valeur du gaz de schistes canadien.

Enfin, la quantité d’eau de formation saline produite à partir des schistes gazeux varie considérablement, allant de zéro baril à plusieurs centaines de barils par jour. L’eau provient du schiste gazeux proprement dit ou de formations voisines qui sont reliées par le réseau de fractures induites. L’eau, tout comme l’eau de reflux, est généralement très saline et elle doit être traitée et/ou éliminée, le plus souvent par injection dans des formations salines profondes.

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Coûts des puits

Les puits de gaz de schistes peuvent être très coûteux à exploiter en raison du coût du forage horizontal - attribuable à la fois à la technologie particulière et au temps additionnel qu’il nécessite - et des techniques de fracturation hydraulique de pointe qui peuvent nécessiter plusieurs jours pour un seul puits. Un puits horizontal dans la formation de Montney coûte généralement de 5 à 8 millions de dollars. Dans le bassin de Horn River, il en coûte 10 millions de dollars. Les puits horizontaux de schistes de la formation d’Utica devraient coûter entre 5 et 9 millions de dollars. Les puits verticaux ciblant le gaz de schistes biosynthétique, comme celui de la formation de Colorado, où la ressource est peu profonde, coûtent bien moins cher, soit moins de 350 000 $ chacun.

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Infrastructure et pertinence pour la production canadienne

À l’heure actuelle, les principales zones de gaz de schistes du nord-est de la Colombie-Britannique ont une infrastructure locale insuffisante pour soutenir la croissance de la production au-delà des prochaines années. Spectra Energy exploite actuellement une usine de traitement de gaz à Fort Nelson, à la pointe sud du bassin de Horn River, capable de traiter jusqu’à 28 106m³/j (1,0 Gpi³/) de gaz brut; la moitié de cette capacité est actuellement consacrée au gaz existant. Spectra envisage d’augmenter la capacité de 7 106m³/j (250 Mpi³/j) avec la construction d’une usine à 40 km au nord-est de Fort Nelson, à Cabin Lake. EnCana Corporation se propose elle aussi de construire des installations près de Cabin Lake qui traiteraient une capacité supplémentaire de 68 106m³/j (2,4 Gpi³/j) à un coût supérieur à 2 milliards de dollars[15]. Spectra Energy a récemment obtenu de l’ONÉ l’autorisation de construire, dans la zone de Montney, en Colombie-Britannique, un gazoduc d’une capacité de 6,2 106m³/j (220 Mpi³/j) qui devrait entrer en service au troisième trimestre de 2009, au coût de 100 millions de dollars. Dans la même région, NOVA Gas Transmission Limited se propose de construire un gazoduc d’une capacité de 28 106m³/j (1 Gpi³/j). Il convient de noter que la mise en valeur du gaz de schistes pourrait prendre plusieurs années avant d’atteindre une production qui justifierait la construction d’un gazoduc à grande échelle et à courte distance. Tous ces projets sont assujettis à l’approbation de l’organisme de réglementation.

[15] Globe and Mail, 9 janvier 2009. BC beckons… and EnCana comes calling.

Il est devenu moins nécessaire d’accroître considérablement la capacité de transport à grande distance pour acheminer le gaz naturel extrait des nouvelles sources de l’Ouest canadien vers les marchés des États-Unis et du Centre du Canada. En effet, la production de gaz naturel de l’Ouest canadien diminue depuis le milieu de 2007 et, il y a tout juste deux ans, on prévoyait qu’elle continuerait de baisser[16]. On s’est demandé, dans une récente publication[17] de l’ONÉ, si le gaz de schistes de l’Ouest canadien pouvait compenser cette diminution; dans cette publication, les estimations de la production de gaz de schistes sont incluses dans les prévisions de l’offre de gaz naturel au Canada à l’horizon 2020.

[16] Office national de l’énergie, 2007. L’avenir énergétique du Canada - Scénario de référence et scénarios prospectifs jusqu’à 2030.
[17] Office national de l’énergie, 2009. Scénario de référence 2009 : Offre et demande au Canada jusqu’en 2020.

La zone de gaz de schistes d’Utica au Québec est située près du gazoduc de Trans Québec & Maritimes, qui dispose d’une importante capacité excédentaire et dessert les marchés de Montréal et Québec, en plus d’être raccordé aux gazoducs desservant le nord-est des États-Unis. La zone de gaz de schistes de Horton Bluff au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse est relativement proche de la canalisation principale de Maritimes & Northeast Pipeline Management et des latéraux de Halifax, respectivement, qui alimentent les marchés des Maritimes et exportent du gaz vers le nord-est des États-Unis.

L’incidence du gaz de schistes sur l’infrastructure pipelinière canadienne est traitée dans une publication à part de l’ONÉ[18].

[18] Office national de l’énergie, 2009. Avenir énergétique du Canada - Évolution de l’infrastructure et enjeux à l’horizon 2020, octobre 2009.

Produits dérivés du gaz naturel et émissions de CO2

La majeure partie du gaz naturel produit nécessite un traitement pour le débarrasser des traces d’autres hydrocarbures et des impuretés. La récupération des liquides de gaz naturel, comme le propane, le butane, les pentanes et autres condensats, est un procédé à valeur ajoutée qui est utilisé dans presque tout l’Ouest canadien. D’autres produits à l’état de traces, comme le sulfure d’hydrogène (H2S) et le dioxyde de carbone (CO2), sont assimilés à des gaz acides et, pour cela, il faut les extraire du flux gazeux pour prévenir la corrosion des gazoducs et du matériel pour des motifs de sécurité.

Bien que le gaz de schistes du bassin de Horn River renferme de faibles niveaux de liquides de gaz naturel, il contient néanmoins 12 % environ de CO2, lequel s’est formé lorsque les schistes furent soumis à de très hautes températures durant leur très profond enfouissement dans la fenêtre à gaz, ce qui a eu pour effet de convertir une partie du méthane, de la matière organique et des minéraux carbonatés en CO2. Ce niveau est beaucoup plus élevé que les 2 % que l’on retrouve en moyenne dans l’ensemble des gisements gaziers de la Colombie-Britannique; il pourrait représenter un apport important aux émissions de carbone de la Colombie-Britannique et du Canada si le CO2 était relâché dans l’atmosphère. En supposant que les schistes du bassin de Horn River atteindraient des niveaux de production de 42 106m³/j (1,5 Gpi³/j) en 2015, environ 3,3 millions de tonnes métriques de CO2 seraient produites annuellement. Cela équivaut à plus de la moitié des émissions annuelles de l’ensemble des usines de pâtes et papiers du Canada en 2006 (5,95 millions de tonnes métriques). La production canadienne de CO2 en 2006 faisait au total 721 millions de tonnes métriques[19].

[19] Division des gaz à effet de serre d’Environnement Canada, 2008. Rapport d’inventaire national : sources et puits de gaz à effet de serre au Canada de 1990 à 2006.

Le gouvernement de la Colombie-Britannique encourage l’adoption d’une stratégie de capture et de stockage du carbone (CSC) pour le CO2 du bassin de Horn River. Spectra Energy et EnCana Corporation se proposent de construire ou d’ajouter des installations de séquestration dans leurs usines respectives, actuelles ou proposées, de traitement de gaz dans le bassin de Horn River, lesquelles auraient la capacité d’enfouir le CO2 dans les vieilles formations saturées de saumure du Dévonien à quelques milliers de mètres sous la surface (figure 9). EnCana se propose également de détourner une partie du CO2 pour l’utiliser dans des projets de récupération assistée d’hydrocarbures (RAH) dans les gisements pétroliers matures situés à proximité. Même si la RAH a été mise à profit pour accroître la récupération des hydrocarbures dans le sud de la Saskatchewan au champ pétrolifère Weyburn tout en stockant 13 millions de tonnes de CO2,[20] cette technique présente des risques, dont celui de savoir s’il y a la capacité d’effectuer des injections à un éventuel site de traitement de gaz si jamais les injections RAH hors site devaient être mises hors service. Il y a aussi bien des incertitudes, à ce stade très préliminaire, quant à la capacité de stockage ultime, aux taux auxquels le CO2 peut être injecté et à la rentabilité des projets. Spectra Energy prévoit forer deux puits en 2009 pour éprouver le concept de CSC, au coût de 12 millions de dollars[21]. Si les projets d’EnCana ou de Spectra allaient de l’avant, ce seraient les plus grandes installations de séquestration au monde selon le volume de CO2 stocké.

[20] Association canadienne des producteurs pétroliers. Carbon Capture and Storage.
[21] Globe and Mail, 22 janvier 2009. A test case for tackling the CO2 challenge.

Figure 9 : Schéma de l’unité de séquestration de dioxyde de carbone proposée par Spectra Energy près de Fort Nelson

Figure 9 : Schéma de l’unité de séquestration de dioxyde de carbone proposée par Spectra Energy près de Fort Nelson

Source : Spectra Energy, 2008.

D’autres formations de gaz de schistes au Canada, comme celles de Montney, de Colorado et d’Utica, contiennent 1 % ou moins de CO2. Le CO2 contenu dans le groupe Horton Bluff de Nouvelle-Écosse semble être en moyenne de 5 % environ. Il n’y a pas eu de débat public sur une éventuelle stratégie de séquestration des émissions de CO2 émanant du groupe Horton Bluff car on en est aux tout premiers stades de l’évaluation.

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Description des gisements potentiels de gaz de schistes au Canada

Les qualités fondamentales du gaz de schistes au Canada, qui fait actuellement l’objet d’une évaluation par des forages et des essais d’écoulement, sont résumées au tableau 1. Ces chiffres proviennent de diverses sources, notamment des sociétés d’exploration qui communiquent sélectivement des données dans le cadre des rapports qu’elles sont tenues de publier pour le bénéfice du public. L’ONÉ n’a pas vérifié ces chiffres. La Commission géologique du Canada a procédé à un examen préliminaire du gaz de schistes à une échelle beaucoup plus grande, y compris des gisements qui ne font actuellement pas l’objet de forages de la part des sociétés d’exploration[22]. À la lecture du tableau 1, on constate que le potentiel de gaz en place pourrait atteindre 30 1012m³ (1 000 Tpi³), sinon davantage, mais il faut se rappeler que les estimations sont sujettes à caution. Reste encore à confirmer quelle quantité de ce gaz peut être récupérée. Les premières estimations font état d’environ 20 %.

[22] Hamblin, A.P., 2006. The "Shale Gas" concept in Canada: a preliminary inventory of possibilities, Commission géologique du Canada, Dossier public 5384, 103 p.

Tableau 1 : Comparaison des zones schisteuses au Canada

Tableau 1 : Comparaison des zones schisteuses au Canada
  Horn River Montney Colorado Utica Horton Bluff
Profondeur (m) 2 500 à 3 000 1 700 à 4 000 300 500 à 3 300 1 120 à 2 000+
Épaisseur (m) 150 jusqu’à 300 17 à 350 90 à 300 150+
Porosité remplie de gaz (%) 3,2 à 6,2 1,0 à 6,0 moins de 10 2,2 à 3,7 2
Teneur en matières organiques au total (%) 0,5 à 6,0 1 à 7 0,5 à 12 0,3 à 2,25 10
Maturité (Ro)* 2,2 à 2,8 0,8 à 2,5 biosynthétique 1,1 à 4 1,53 à 2,03
Silice (%) 45 à 65 20 à 60 sable et silt 5 à 25 38
Calcite ou dolomite (%) 0 à 14 jusqu’à 20 % - 30 à 70 proportion importante
Argile (%) 20 à 40 moins de 30 proportion élevée 8 à 40 42
Gaz libre (%) 66 64 à 80 - 50 à 65 -
Gaz adsorbé (%) 34 20 à 36 - 35 à 50 -
CO2 (%) 12 1 - moins de 1 5
GIP/section (million m³)** 1 700 à 9 000+ 230 à 4 500 623 à 1 800 710 à 5 950 2 000 à 17 000+
GEP/ section (Gpi³)** 60 à 318+ 8 à 160 22 à 62 25 à 210 72.4 à 600+
GEP de la zone (milliard mi³)** 4 100 à 17 000 2 300 à 20 000 > 2 800 > 3 400 > 3 700
GEP de la zone (Tpi³)** 144 à 600+ 80 à 700 > 100 > 120 > 130
Coût des puits horizontaux, fracturation comprise (en millions de $CA) 7 à 10 5 à 8 0,35 (verticaux seul.) 5 à 9 inconnu
Compilation émanant de diverses sources
* Ro (réflectance de la vitrinite) est une mesure de la maturité thermique de la matière organique; les valeurs supérieures à 1,2 se trouvent dans la fenêtre à gaz.
**GEP : gaz en place; le gaz récupérable peut être de l’ordre de 20 %.

Formation de Montney

La formation de Montney du Trias dans le nord-est de la Colombie-Britannique (figure 1) s’étend sur une grande variété de milieux de dépôt, allant des sables en eau peu profonde à l’est aux boues extracôtières à l’ouest (figure 10). On produit actuellement du gaz naturel à partir des grès classiques d’avant-plage en eau peu profonde, à la bordure orientale de la formation de Montney, et à partir des réservoirs étanches en eau profonde au pied de la rampe. Toutefois, le potentiel du gaz de schistes hybride se constate dans deux autres zones : 1) l’unité inférieure de Montney, dans les schistes silteux et sablonneux du passage extracôtier et des parties maritimes extracôtières du bassin; et 2) l’unité supérieure de Montney, au-dessous de l’avant-plage, où les silts ont enfoui les réservoirs étanches au pied de la rampe. La formation de Montney est tellement épaisse - allant bien au-delà des 300 m en certains endroits - que certains exploitants prévoient réaliser des forages horizontaux empilés, une technique par laquelle des bras horizontaux sont forés à deux élévations distinctes dans le même puits, pénétrant et fracturant les unités supérieure et inférieure de Montney. Le taux de carbone organique des schistes de Montney se situe à 7 % et les roches furent chauffées jusque dans la fenêtre à gaz thermogénique.

Figure 10 : Production gazière de la formation de Montney et types de zones dans le nord-ouest de l’Alberta et le nord-est de la Colombie-Britannique

Figure 10 : Production gazière de la formation de Montney et types de zones dans le nord-ouest de l’Alberta et le nord-est de la Colombie-Britannique

Source : adaptation d’une figure de Ross Smith Energy Group, 2008

Les estimations de gaz naturel dans la formation de Montney sont extrêmement variables, allant de 2,3 à 20 1012m³ (80 à 700 Tpi³) de gaz en place[23]. Il faut se rappeler que seule une partie de ce volume - environ 20 % - est susceptible d’être récupérée. Par ailleurs, les estimations de Montney ne comprennent pas le phosphate sus-jacent de la formation de Doig, qui est également une source potentielle de gaz de schistes. Pour donner une idée de ces estimations, le versant Nord de l’Alaska renferme 1,0 1012m³ (35 Tpi³) de ressources découvertes de gaz naturel récupérable et l’on estime que les ressources ultimement récupérables seraient de l’ordre de 3,9 1012m³ (137 Tpi³) lorsque les découvertes potentielles futures auront été estimées[24].

[23] Ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources pétrolières de la Colombie-Britannique, 2006. Regional "Shale Gas" Potential of the Triassic Doig and Montney Formations, Northeastern British Columbia. Petroleum Geology, Open File 2006-02.
[24] Département américain de l’Énergie, 2008. DOE Report: Alaska North Slope has plenty of potential.

Pour obtenir des droits sur le gaz de Montney de la Colombie-Britannique, les sociétés exploratrices ont dépensé aux enchères du gouvernement plus de 1,3 milliard de dollars en 2008 et 2,1 milliards depuis 2005[25].

[25] Ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources pétrolières de la Colombie-Britannique, 2008. Montney Activity/Production NE British Columbia.

Depuis 2005, la production de gaz naturel de schistes extrait des puits horizontaux forés dans la formation de Montney est passée de zéro à 10,7 106m³/j (376 Mpi³/j) et elle devrait continuer d’augmenter (figure 11). En juillet 2009, quelque 234 puits horizontaux produisaient du gaz à partir des schistes de Montney, principalement dans le gisement patrimonial de la Colombie-Britannique. Les puits individuels produisent généralement de 85 000 à 141 000 m³/j (3 à 5 Mpi³/j) au démarrage, mais peuvent aller jusqu’à 280 000 m³/j (10 Mpi³/j) pour ensuite redescendre rapidement à des taux de production plus bas pendant un bon moment (figure 8). Ces puits ont normalement de sept à neuf, voire jusqu’à douze fractures avec injection de 100 tonnes de CO2 ou d’eau déployées sur les bras horizontaux longs de deux kilomètres.

Figure 11 : Nombre de puits horizontaux de gaz de schistes dans la formation de Montney et production jusqu’en juillet 2009

Figure 11 : Nombre de puits horizontaux de gaz de schistes dans la formation de Montney et production jusqu’en juillet 2009

Bassin de Horn River / Enfoncement Cordova

Les schistes du bassin de Horn River du Dévonien ont été déposés dans des eaux profondes au pied de la plate-forme carbonatée de Slave Point dans le nord-est de la Colombie-Britannique (figure 12), qui produit du gaz naturel classique depuis de nombreuses décennies. Les schistes du bassin de Horn River, riches en silice - environ 55 % -, font environ 150 m d’épaisseur. La teneur en matières organiques est d’environ 1 à 6 %. Les roches sont très matures, ayant été chauffées bien loin à l’intérieur de la fenêtre à gaz thermogénique[26],[27]. On estime le gaz en place du bassin de Horn River à 14 1012m³ (500 Tpi³)[28],[29], dont 20 % environ devrait être récupérable.

[26] Ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources pétrolières de la Colombie-Britannique, 2005. Gas Shale Potential of Devonian Strata, Northeastern British Columbia. Petroleum Geology Special Paper 2005-01.
[27] Ross, D.K., et Bustin, R.M. 2008. Characterizing the shale gas resource potential of Devonian-Mississippian strata in the Western Canada sedimentary basin: Application of an integrated formation evaluation. AAPG Bulletin, v. 92, pp. 87-125.
[28] Ibid.
[29] Ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources pétrolières de la Colombie-Britannique, Shale Gas Potential: Core and Cuttings Analysis, Northeast British Columbia, 2007, Petroleum Geology Open File 2007-01.

Figure 12 : Stratigraphie et emplacement du bassin de Horn River

Figure 12 : Stratigraphie et emplacement du bassin de Horn River

Source : Ziff Energy Group, 2008.

Les essais en sont encore au stade préliminaire, mais une vingtaine de puits horizontaux ont été forés et soumis à des fractures hydrauliques, et le gaz est acheminé jusqu’aux gazoducs. Les puits du bassin de Horn River sont très prolifiques, produisant jusqu’à 450 000 m³/j (16 Mpi³/j) au démarrage, selon plusieurs rapports différents, mais il faut se rappeler que les chutes de production des puits de gaz de schistes sont rapides et qu’en quelques mois seulement, la production devrait être sensiblement moindre. Quoi qu’il en soit, les puits de gaz de schistes du bassin supérieur de Horn River seront parmi les puits de gaz naturel les plus productifs forés dans l’Ouest canadien en 2009. Pour l’heure, les données de production du bassin de Horn River sont encore confidentielles de sorte qu’il est impossible d’évaluer la production totale de gaz de schistes.

EnCana Corporation, qui sera un des principaux producteurs de gaz de schistes dans le bassin de Horn River, et Spectra Energy, un des grands exploitants de gazoducs du nord-est de la Colombie-Britannique, ont toutes deux proposé d’installer des usines de traitement de gaz près de Fort Nelson, en Colombie-Britannique. L’usine d’EnCana serait construite en six étapes, une nouvelle étape s’ajoutant à mesure qu’une nouvelle production serait mise en service. La première étape devrait coûter 400 millions de dollars et entrer en service en 2011; l’installation aurait la capacité de traiter 11 106m³/j (400 Mpi³/j) de gaz naturel. Le coût du projet pourrait atteindre les 2 milliards de dollars au terme des six étapes, pour une capacité totale de traitement de 68 106m³/j (2,4 Gpi³/j).

L’enfoncement Cordova est relié au bassin de Horn River (figure 12) et possède lui aussi un potentiel de gaz de schistes, dont l’évaluation par l’industrie est beaucoup moins avancée toutefois. On estime que l’enfoncement Cordova renferme 5,7 1012m³ (200 Tpi³) de gaz en place. En mai 2009, les sociétés d’exploration avaient dépensé plus de 2 milliards de dollars aux enchères du gouvernement de la Colombie-Britannique pour acquérir des droits sur les ressources du bassin de Horn River, contre moins de 40 millions de dollars pour des droits sur les ressources de l’enfoncement Cordova[30]. Il convient de noter que les zones de gaz de schistes du bassin de Horn River s’étendent jusqu’au Yukon et aux Territoires du Nord-Ouest, même si les limites septentrionales au-delà des provinces et des territoires sont encore mal définies.

[30] Ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources pétrolières de la Colombie-Britannique, Landsales in the Horn River Basin, Liard Basin, & Cordova Embayment, NE British Columbia, 2008.

Groupe de Colorado

Le groupe de Colorado comporte divers horizons schisteux déposés sur tout le sud de l’Alberta et de la Saskatchewan (figure 1) durant la période de hauts niveaux de la mer du Crétacé moyen, y compris les grès schisteux de Medicine Hat et Milk River, qui produisent du gaz naturel depuis plus de cent ans, et le Second schiste argileux de White, qui produit du gaz naturel depuis plusieurs décennies. Dans la région de Wildmere en Alberta, les schistes de Colorado sont d’environ 200 m d’épaisseur, où le gaz naturel pourrait être produit à partir de cinq intervalles. Contrairement aux schistes du bassin de Horn River et du groupe d’Utica au Québec (voir ci-dessous), les schistes du groupe de Colorado produisent du gaz à travers de minces lits et lamines de sable, faisant de celui-ci un gaz de schistes hybride comme celui de Montney. De plus, le gaz produit dans la formation de Colorado a des origines biosynthétiques plutôt que thermogéniques. Cela laisse supposer un très faible potentiel pour les liquides de gaz naturel et un réservoir en état de sous-pression, qu’il est plus difficile de fracturer hydrauliquement. Les schistes du groupe de Colorado sont sensibles à l’eau, ce qui les rend sensibles aux fluides employés lors de la fracturation hydraulique. À la place de l’eau, les exploitants ont recours à l’azote ou à des mélanges de propane et de butane.

L’on prévoit uniquement des puits verticaux pour les schistes de Colorado en raison du mauvais état de la roche et du risque d’effondrement dans le puits de forage. Actuellement, plus de 85 000 m³/j (3 Mpi³/j) sont produits à partir de quelques douzaines de puits peu profonds dans la région de Wildmere en Alberta, chacun d’eux coûtant environ 350 000 $ pour un cycle complet, qui va du forage jusqu’au raccordement du puits avec les gazoducs[31]. Le volume total de gaz dans le groupe de Colorado est très difficile à évaluer, étant donné la vaste étendue latérale des schistes et la variabilité du réservoir et compte tenu de l’absence d’analyses indépendantes et publiquement disponibles. On estime toutefois le volume à au moins plusieurs billions de mètres cubes (100 Tpi³) de gaz en place.

[31] Stealth Resources, 2008. Corporate Presentation.

Groupe d’Utica

Les schistes d’Utica de l’Ordovicien supérieur, situés entre Montréal et Québec (figure 13), ont été déposés dans des eaux profondes au pied de la plate-forme carbonatée de Trenton. Plus tard, les schistes ont été répartis au début de la croissance des Appalaches et sont devenus faillés et plissés sur leur face sud-est (figure 14). Les schistes d’Utica, qui font environ 150 m d’épaisseur, renferment de 1 à 3 % de matières organiques et sont connus depuis des décennies pour être une source de pétrole pour les réservoirs classiques associés. Contrairement aux autres schistes du Canada, les schistes d’Utica contiennent de fortes concentrations de calcite, aux dépens de la silice[32]. La calcite blanche étant cassante, les fractures hydrauliques ne se répercutent pas aussi bien au travers.

[32] Thériault, R. 2008. Caractérisation géochimique et minéralogique et évaluation du potentiel gazéifère des shales de l’Utica et du Lorraine, Basses-Terres du Saint-Laurent. Québec Exploration 2008. Québec, Québec. Novembre 2008.

Figure 13 : Schistes d’Utica et emplacement des tendances de production

Figure 13 : Schistes d’Utica et emplacement des tendances de production

Source : adaptation d’une figure de Ziff Energy Group, 2008

Figure 14 : Coupe transversale du nord-ouest vers le sud-est de la formation de schistes d’Utica

Figure 14 : Coupe transversale du nord-ouest vers le sud-est de la formation de schistes d’Utica

Source : adaptation par Talisman Energy d’une figure de Ziff Energy Group, 2008

On trouve du gaz biosynthétique dans les zones peu profondes des schistes d’Utica, et du méthane thermogénique dans les schistes structurés et les schistes de profondeur moyenne (figures 13 et 14). Le réservoir a l’avantage sur d’autres qu’il est plissé et faillé, ce qui augmente le potentiel de la présence de fractures naturelles (figure 4).

Seuls quelques puits ont été forés dans la formation d’Utica, verticaux pour la plupart. Après fracturation, chaque puits vertical aurait produit environ 28 000 m³/j (1 Mpi³/j) de gaz naturel. Les premiers résultats de la fracturation hydraulique et les essais d’écoulement dans trois puits horizontaux ont produit des taux d’écoulement stables de 2 800 à 22 700 m³/j (0,1 à 0,8 Mpi³/j) à partir de schistes de profondeurs moyennes, soit moins que prévu; ces résultats sont probablement influencés par le manque d’équipement pour extraire l’eau de fracturation qui refluait en cours de production[33].

[33] Daily Oil Bulletin, 24 février 2009. Utica Shale horizontals yield less than expected flows.

Il convient de noter que les schistes de Lorraine sus-jacents risquent d’être prometteurs; ils sont toutefois plus riches en argile et la fracturation hydraulique pourrait poser un problème à la production. Tout dernièrement, un petit prospecteur actif dans les Basses-Terres du Saint-Laurent estimait à 3,4 1012m³ (120 Tpi³) le gaz en place dans les schistes d’Utica sur sa propriété plutôt restreinte[34]. Autrement, il n’existe pas d’analyses fiables et indépendantes du gaz en place pour les schistes d’Utica, et à plus forte raison pour les schistes de Lorraine.

[34] Questerre Energy, 2009. News release 2009-09-01.

Groupe de Horton Bluff

Les boues lacustres du groupe de Horton Bluff dans les provinces maritimes (figure 1) ont été déposées lors du Mississippien précoce - il y a 360 millions d’années - durant la subsidence de la région. La teneur en silice dans les schistes de Frederick Brook du groupe de Horton Bluff au Nouveau-Brunswick atteint 38 % en moyenne; la teneur en argile est par contre elle aussi élevée, soit 42 % en moyenne[35]. D’après les premiers relevés, la teneur en matières organiques du membre Frederick Brook en Nouvelle-Écosse serait sensiblement plus élevée, à 10 %, que d’autres schistes du Canada, et la zone productrice nette de plus de 150 m d’épaisseur, dépassant même les 1 000 m au Nouveau-Brunswick[36]. Des essais d’écoulement sont en cours et, alors que la fracturation hydraulique a connu moins de succès que dans l’Ouest canadien, deux puits verticaux forés dans les schistes de Frederick Brook au Nouveau-Brunswick ont produit 4 200 m³/j (0,15 Mpi³/j) après application de petites fractures.

[35] Worldwide Geochemistry, Review of Data from the Elmworth Energy Corp. Kennetcook #1 and #2 Wells Windsor Basin, Canada, 2008, 19 p.
[36] Corridor Resources, Corridor reports results of independent shale gas resource study, 2009.

Une analyse indépendante révèle que les schistes de Frederick Brook dans les sous-bassins Sussex/Elgin du sud du Nouveau-Brunswick renferment 1,9 1012m³ (67 Tpi³) de gaz libre en place[37]. D’après une autre analyse indépendante, le bloc Windsor en Nouvelle-Écosse renfermerait 2,0 1012m³ (69 Tpi³) de gaz en place[38]. Fait important à noter : les échantillons de Nouvelle-Écosse révèlent que la majeure partie du gaz est adsorbé sur l’argile et la matière organique[39],[40] et qu’il faudra une stimulation très efficace du réservoir pour obtenir une production importante à partir des schistes de Nouvelle-Écosse. On ne sait pas précisément pour l’instant quelle proportion de gaz est adsorbée sur l’argile et la matière organique des schistes du Nouveau-Brunswick.

[37] Corridor Resources, Corridor reports results of independent shale gas resource study, 2009.
[38] Ryder Scott Company, Resource Potential, Horton Bluff Formation, Windsor Basin, Nova Scotia, Canada, 2008, 43 p.
[39] Ibid.
[40] Worldwide Geochemistry, Review of Data from the Elmworth Energy Corp. Kennetcook #1 and #2 Wells Windsor Basin, Canada, 2008, 19 p.

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Observations

On estime le potentiel de gaz de schistes en place au Canada à au moins 30 1012m³ (1 000 Tpi³) (tableau 1). En supposant un taux de récupération de 20 %, il y aurait assez de gaz récupérable pour former plus du tiers du potentiel ultime estimatif du Canada pour toutes les ressources en gaz naturel classique, ou près des deux tiers des ressources classiques ultimes actuellement restantes[41]. Le degré élevé d’incertitude, le gaz de schistes étant encore au tout début de son évaluation au Canada, ne permet pas actuellement de calculer de façon plus rigoureuse les ressources du Canada. Sans compter que la rentabilité relative de la mise en valeur du gaz de schistes elle aussi est incertaine. La ressource ne sera mise en valeur que si elle est rentable, c’est-à-dire que si le prix du gaz provenant d’autres sources, comme le gaz classique, le gaz naturel des régions pionnières et le gaz naturel liquéfié (GNL), [42] est plus élevé que le coût de production du gaz de schistes au bout d’un cycle complet. Actuellement, seul le gaz de schistes des bassins de Montney et de Horn River peut prétendre à la « validation de principe » au bout de nombreux essais de production après le forage horizontal et la fracturation hydraulique, et seul le gaz de Montney possède actuellement des volumes de production qu’on pourrait qualifier d’importants. Les schistes d’Utica n’ont donné qu’une production limitée à partir de trois puits horizontaux fracturés hydrauliquement, de sorte qu’il est trop tôt pour conclure à la « validation de principe ». La production de gaz à partir de puits verticaux peu profonds forés dans les schistes du groupe de Colorado semble se limiter pour l’heure à la zone de Wildmere de l’Alberta. Quant aux schistes du groupe de Horton Bluff des provinces maritimes, ils en sont encore aux tout premiers stades d’évaluation et d’essais.

[41] Office national de l’énergie et ministère de l’Énergie et des Ressources de la Saskatchewan, Potentiel ultime des ressources en gaz naturel classique de la Saskatchewan. Rapports divers 2008-8, 2008, tableaux 2.6A et 2.6B.
[42] Office national de l’énergie, Gaz naturel liquéfié : perspective canadienne - Évaluation du marché de l’énergie, 2009.

Le gaz de schistes est peut-être l’élément clé de l’offre qui permettra au Canada de répondre à ses propres besoins en gaz naturel jusque tard dans le 21e siècle. Ce gaz naturel pourra provenir aussi d’autres zones de ressources, comme du méthane de houille, des grès étanches et des carbonates étanches, ou des régions pionnières du Canada, au large des côtes et dans le Nord. Il est même possible que le gaz de schistes permette au Canada de devenir un exportateur net de GNL : récemment en effet, Apache Corporation et EOG Resources, toutes deux actives dans le bassin de Horn River, ont signé des protocoles d’entente pour approvisionner en gaz naturel un éventuel terminal de liquéfaction de GNL en Colombie-Britannique[43],[44]. Le rythme de mise en valeur du gaz de schistes canadien pourrait par contre être limité par la disponibilité des ressources requises, comme l’eau douce, les agents de soutènement des fractures ou les appareils de forage capables de forer des puits de plusieurs kilomètres de longueur.

[43] Kitimat LNG, Kitimat LNG signs MOU with EOG Resources Canada for natural gas supply, 2009.
[44] Kitimat LNG, Kitimat LNG signs MOU with Apache Corporation, 2009.

Par ailleurs, la mise en valeur du gaz de schistes au Canada suscite des inquiétudes à l’égard de l’environnement. On sait peu de choses de son impact ultime sur les ressources en eau douce. L’empreinte causée par l’utilisation des terres ne semble pas être une préoccupation importante au-delà de la simple exploitation classique, malgré une densité de puits plus élevée, car grâce aux progrès de la technologie du forage, on peut forer dix puits horizontaux ou plus à partir d’un même emplacement. De plus, la croissance potentielle des émissions de CO2 découlant du gaz de schistes est en train d’être contrée par des projets de capture et de séquestration du carbone. Il est toutefois trop tôt pour savoir dans quelle mesure la mise en valeur de cette ressource potentiellement considérable aura des effets sur l’environnement.

La mise en valeur plus poussée de cette ressource émergente devrait pouvoir fournir de nouvelles données qui permettront de mieux évaluer la contribution du gaz de schistes à l’offre canadienne de gaz naturel. C’est pourquoi l’ONÉ continuera d’en surveiller l’évolution.

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