Pour un avenir meilleur
L’Aîné Clarence Wolfleg
Miiksika’am est un Aîné autochtone canadien né dans la Nation des Siksika en Alberta. On lui donne le nom de Clarence Wolfleg au pensionnat Old Sun (en anglais), où il vit dès l’âge de 7 ans, jusqu’à l’âge de 12 ans.
« Je me souviens d’avoir été debout devant la fenêtre du pensionnat, à peine assez grand pour regarder dehors. J’ai chuchoté à mes amis (nous devions chuchoter parce que nous n’avions pas le droit de parler notre langue) : “Savez-vous quoi? Quand je serai grand, je serai un soldat comme mon père. Puis à mon retour, je serai un leader.” »
C’est exactement ce qui s’est passé, bien que le parcours n’ait été ni direct ni facile.
« Le pensionnat m’a préparé pour l’armée, c’est un peu comme une institution militarisée. Ce n’était pas une école, ce n’était pas un lieu d’apprentissage, mais un endroit où aller pour étudier les trois clés du savoir, dit-il en parlant de la lecture, de l’écriture et du calcul. Ils vous faisaient travailler et vous punissaient toujours pour quelque chose. Je n’y étais pas habitué. »
L’Aîné Wolfleg fréquente ensuite l’école secondaire Crescent Heights à Calgary. Plus tard, avec la permission de son père, et d’abord à l’insu de sa mère, il s’enrôle dans l’armée canadienne à l’âge de 17 ans. Quatre jours plus tard, il est muté à l’école d’artillerie du Manitoba. Après avoir terminé son instruction de base, il s’envole un matin, à 2 h 45, à bord de l’un des trois avions militaires qui traversaient l’Atlantique.
Il sert au sein de la Royal Canadian Horse Artillery, notamment au sein de la Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre et des Forces de l’OTAN en Europe continentale.
Lorsqu’on lui demande comment son service militaire l’a marqué, l’Aîné Wolfleg explique : « Eh bien, vous savez, l’une des choses dans l’armée, c’est qu’il n’y a nulle part où aller quand on ressent les effets du lieu où l’on se trouve. Le traumatisme de voir des camarades ne jamais revenir. Et ceux qui doivent être renvoyés au pays à cause de ce qui leur est arrivé. Ce que j’ai appris de positif, c’est l’aptitude à travailler en équipe et à demander de l’aide. J’ai aussi appris à être autonome et à toujours trouver un moyen de joindre les deux bouts. »
À l’époque, on ne reconnaissait pas le trouble du stress post-traumatique. « J’ai alors compris ce que mon père avait vécu à son retour de la guerre. Il était heureux avant de partir. À son retour, il était aux prises avec l’alcool et la colère. »
Lorsque l’Aîné Wolfleg termine son service militaire, il se joint au service de police tribal des Pieds-Noirs, d’abord comme gendarme spécial, puis comme chef de police. Il remplit dix mandats au Conseil de la Nation des Siksika, en plus de diriger les services de consultation externe Siksika Alcohol Services. Il travaille également au nom des anciens combattants autochtones pour améliorer leurs prestations.
Aujourd’hui, l’Aîné Wolfleg est conseiller spirituel auprès de plusieurs groupes et organisations, dont l’Université Mount Royal, le Collège Bow Valley, Santé Canada, Anciens Combattants Canada et le Conseil tribal du Traité no 7.
Malgré les injustices dont il a été victime au cours de ses premières années et les séquelles de son service militaire, l’Aîné Wolfleg a choisi de se servir de sa douleur pour rendre service. Sa conjointe de 53 ans, Fran, avant sa mort en mars dernier, lui demande de poursuivre son travail quoi qu’il arrive.
« Maintenant, je suis la mère et le père, et la grand-mère et le grand-père de 15 petits-enfants. On prend les bonnes choses d’hier et on les met avec les bonnes choses d’aujourd’hui. Pour un avenir meilleur. »
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